Le tabou des violences au sein du ménage

Légende : moins de 2% des victimes de violences sexuelles ou physique au sein du ménage portent plainte.
Légende : moins de 2% des victimes de violences sexuelles ou physique au sein du ménage portent plainte. © MAXPPP
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avec William Galibert et Arthur Helmbacher , modifié à
Selon une étude, 2% des victimes de violences physiques et sexuelles portent plainte.

943.000. Ce chiffre colossal est le nombre de victimes de violences physiques et sexuelles au sein du ménage entre 2008 et 2010, selon une étude réalisée auprès des 18-75 ans et publiée mercredi par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

Premières victimes de cette violence "intra ménage", les épouses ou compagnes. Sur les 943.000 personnes confrontées à ce fléau, 663.000 sont des femmes contre 280.000 hommes. Un phénomène d’autant plus inquiétant qu’il reste tabou.

"20,5% des personnes se déclarant victimes n’ont jamais parlé du ou des actes subis avant le jour de l’enquête", précise l’étude. "Moins de 20% ont consulté un médecin" et "moins de 2% portent plainte" dès lors qu’il s’agit de violences sexuelles contre "20% pour les blessures physiques".

L’absence de prise de conscience

"La plupart des femmes n’ont pas conscience que c’est une violence", souligne Jeanine Marzullo, de l'association SOS viol à Marseille. "L’histoire du devoir conjugal, c’est quelque chose qui est encore bien ancré, même dans la tête des jeunes. Quand on parle de ça, les jeunes disent "c’est mon copain, je ne peux pas lui dire non", insiste-t-elle.

Mais l’absence de prise de conscience n’explique pas tout. Pour Christophe Soullez, chef du département de l'office national de la délinquance, la difficulté à briser le silence est aussi une réalité.

"Engager une procédure devant la police, déposer plainte peut avoir des conséquences sur la perte d’un logement, la garde des enfants, des conséquences financières, se retrouver à la rue " souligne Christophe Soullez.

"Déposer plainte peut avoir des conséquences" :

La nécessité de libérer la parole

"Donc très souvent, les victimes vont essayer de trouver une autre solution. Il y a d’autres raisons qui interviennent comme la peur que cela se sache ou encore cette peur des représailles", poursuit-il.

"On voit bien que le ménage demeure un lieu très fermé, encore très tabou", note Christophe Soullez en soulignant que "c’est en libérant la parole et en faisant en sorte qu’on soit au courant de ce qui se passe qu’on pourra mettre en place de meilleurs dispositifs, plus efficaces pour mettre un terme à ce fléau", conclut-il.

Un avis partagé par Jeanine Marzullo. "Allez vers quelqu'un, allez vers d’autres personnes, pas forcément la famille", précise la bénévole de SOS viol à Marseille. "Dans ces cas-là, la famille est souvent mal placée pour entendre ça. Une grande partie des familles prennent ça en pleine figure. Elle a beaucoup de mal à soutenir la personne, et en premier lieu à penser que c’est vrai. C’est très difficile de prouver qu’on a été violenté par son mari, son concubin ou son compagnon", déplore-t-elle.