Le "gourou" de Monflanquin va s'expliquer

Ghislaine de Védrines et son fils, reclus dans une maison de Bristol
Ghislaine de Védrines et son fils, reclus dans une maison de Bristol © Maxppp
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Il est accusé d'avoir, durant dix ans, escroqué et placé une riche famille bordelaise sous son "emprise mentale".

L'affaire des "reclus de Monflanquin". Un cas exceptionnel de manipulation, de par sa durée et le nombre d'individus engagés. Pendant dix ans, les onze membres d'une famille de l'aristocratie bordelaise, de la grand-mère aux petits enfants, ont été gardés sous "l'emprise mentale" d'un présumé gourou et dépouillés d'un patrimoine avoisinant les 5 millions d'euros. Thierry Tilly, ce manipulateur de haut vol, est jugé à partir de lundi pour abus de faiblesse et violences volontaires devant le tribunal correctionnel de Bordeaux jusqu'au 5 octobre.

Qui sont les protagonistes de ce huis clos ? Europe1.fr lève le rideaux.

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Ghislaine Marchand, née de Védrines, "la cible". C'est par cette femme que tout a commencé. En 1997, elle vient de reprendre une école de secrétariat en difficulté à Paris. Fragilisée par les pertes successives de son père et de sa sœur, elle croise alors  le chemin de Thierry Tilly, responsable d'une entreprise chargée de l'entretien de l'établissement. En deux ans, il se rend indispensable. Des talents divers et un prétendu carnet d'adresses impressionnent la directrice. En 1999, elle lui confie désormais ses tracas les plus personnels et le présente au clan de Védrines lors d'un séjour au château de Martel, la  vaste demeure familiale de Monflanquin dans le Lot-et-Garonne.

Thierry Tilly, le "gourou".  Au château, Thierry Tilly impressionne. La mère de Ghislaine, ses enfants, ses frères lui font une confiance aveugle. Lorsqu'il leur raconte qu'il serait en fait un "agent secret" dont la mission est de protéger " les familles méritantes", le manipulateur fait mouche. Selon Tilly,  les de Védrines seraient la cible d'un complot ourdi par les franc-maçons.  Il convainc onze membres de la famille, âgés de 16 à 89 ans,  de se retrancher progressivement  à Monflanquin. La famille rompt toutes ses attaches. Le frère de Ghislaine, Charles de Védrines, gynécologue réputé de Bordeaux ferme brutalement son cabinet. Jean Marchand, le mari de Ghislaine, qui flaire la supercherie, est écarté. A l'automne 2011, il constate que ses comptes bancaires ont été vidés. Il est alors expulsé de chez lui par sa famille. Dès lors, Tilly se serait employé à dépouiller les de Védrines.

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Jean Marchand, la vigie. Jean Marchand est journaliste. Dès 2002, il active ses réseaux pour médiatiser l'affaire. Il le clame partout : son épouse est prisonnière, avec d'autres membres de sa famille, d'une secte et de son gourou Thierry Tilly. Un cri d'alarme qui ne fait que renforcer la paranoïa du clan. En 2003, les de Védrines abandonnent le château familial pour s'installer dans la maison d'un des frères, Philippe, à Talade en Gironde. Volets fermés, clôtures, caméras de surveillance, c'est un véritable bunker. Sous l'impulsion de Tilly, la famille a arrêté de payer ses factures. Les de Védrines sont criblés de dettes. Jacques Marchand, obtient une première victoire en 2005, quand un juge d'instruction est nommé pour enquêter sur l'escroquerie et le blanchiment d'argent.

Christine de Védrines, l'élément déclencheur. A Oxford, la famille vit désormais dans un grand dénuement. La belle-soeur de Ghislaine, Christine de Védrines, femme du gynécologue, doit travailler comme cuisinière. Jean Marchand et son avocat profitent de ses heures hors de la maison. Ils parviennent à lui faire quitter le groupe. Fin mars 2009, elle est entendue dans  le bureau du juge d'instruction à Bordeaux où elle témoigne d'actes de barbarie et de séquestrations. Elle révèle comment Tilly a monté les membres de la famille les uns contre les autres, sur fond d'un prétendu héritage caché. Il invente des complots internes et manipule la famille à distance, par téléphone ou par mail. Mais surtout Christine raconte comment la fortune familiale s'est évaporée.

La "Blue light Foundation". Pour mener son escroquerie, Tilly avait prétendu être mandaté pour trouver des fonds pour la "Blue light foundation", une vague organisation humanitaire canadienne. La famille donne tout : bijoux de famille, mobilier, appartements, immeubles, maisons… même le château du Martel. Les comptes en banques sont vidés et les capitaux transférés à l'étranger. Un patrimoine de 4,5 millions d'euros évaporé. Car la fondation, dirigée par un certain Jacques Gonzalez, que Tilly surnomme "le patron", n'a en fait jamais eu la moindre activité. 

Jacques Gonzalez, le "patron". Le présumé "gourou" est finalement arrêté et placé en détention provisoire en octobre 2009.  Où est passée la fortune familiale ? Au fil des investigations, Jacques Gonzalez, apparait comme le donneur d'ordre de Tilly. L'homme n'a aucune activité depuis 1992 et ne déclare aucun revenu. Arrêté en juin 2010, il a reconnu avoir utilisé une partie des fonds provenant des comptes des de Védrines, soit 1,5 million d'euros. Avec la découverte d'un coffre-fort à son nom à Londres, les enquêteurs mettent au jour d'autres comptes en Suisse, en Belgique et un train de vie de luxe. L'homme a été mis en examen pour de multiples chefs (blanchiment, organisation frauduleuse d'insolvabilité, abus de confiance, escroqueries). L'instruction, bouclée en juin 2011, devait notamment permettre de démêler le circuit financier de l'escroquerie mis en place par Gonzalez et Tilly.