La rédaction sur le suicide divise

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et Stéphane Place, correspondant d'Europe 1 , modifié à
Alors que l'enseignant a été suspendu lundi, certains parents réclament désormais son retour.

"Vous venez d'avoir 18 ans. Vous avez décidé d'en finir avec la vie"… L'enseignant de Montmoreau, en Charente, qui demandait à ses élèves de 3e de se mettre dans la peau d'un adolescent suicidaire a été suspendu lundi de ses fonctions "à titre conservatoire". Une mesure qui n'est pas du goût de certains parents d'élèves qui, malgré l'émoi suscité par ce sujet, réclament mardi le "retour immédiat à son poste" de l'enseignant.

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Un sujet "dérangeant", pour l'académie. Mardi après-midi, l'enseignant avait été convoqué par sa hiérarchie à l'inspection académique, à Angoulême. Le professeur de français s'était vu notifier sa suspension et avait dû s'expliquer sur le libellé précis du sujet de rédaction donné à ses élèves.

"Le libellé du devoir est effectivement conforme à ce que les parents nous avaient laissé entendre", a indiqué Jean-Marie Renault, directeur académique, à la sortie de cet entretien au micro d'Europe 1. "On suggère à l'élève qu'il est sur le point de mettre un terme à sa vie et de raconter pourquoi  et comment il ressent les choses", a-t-il précisé. "Il y avait bien dans la façon de  poser la question aux élèves une demande de mise en situation quelque peu dérangeante", a encore poursuivi le directeur académique. Dans les semaines à venir, l'enseignant devra une nouvelle fois "s'expliquer sur ses intentions pédagogiques, sur la réalité du travail demandé aux élèves".

Des parents divisés sur la question. Helène Ferrari, mère d'un des collégiens qui a planché sur ce devoir, a pour sa part estimé au micro d'Europe 1 que "le suicide est un sujet qui doit être débattu au collège". "Mais je considère qu'avoir mis en relation ce sujet avec le thème de l'autobiographie, qui est au programme, me pose des soucis dans la mesure où l'on demande à un enfant de se mettre dans la peau d'un adolescent qui souhaite se suicider", a-t-elle expliqué confiant trouver "cela très dangereux".

D'autres parents ont tenu à prendre la parole pour défendre l'enseignant. Dans un communiqué publié mardi, "les associations de parents d'élèves réunies", FCPE et Amicale des parents d'élèves disent "soutenir totalement le professeur de français incriminé". A la suite d'une réunion exceptionnelle lundi soir,  ces parents ont déploré un déferlement médiatique "démesuré et inadapté", et ont souligné qu'élèves comme parents "sont attachés (à) et apprécient les qualités de ce professeur".

Le jeune prof décontenancé. Pour Alain Héraud, secrétaire départemental du Snes en Charente, qui a accompagné l'enseignant lors de son audition par le directeur académique, la volonté du jeune prof n'était pas de faire travailler ses élèves sur la question du suicide. "Ce qu'il a voulu faire, c'est les faire travailler sur un autoportrait fictif, à la fin d'une autobiographie. Les élèves ont posé des questions sur l'autoportrait, et l'exemple qu'il a donné, c'est l'exemple de quelqu'un qui est en fin de vie et qui peut réaliser son autoportrait. Et de la fin de vie, le sujet du suicide a été abordé", a expliqué Alain Héraud au micro d'Europe 1.

"Donc ça c'est fait dans le cheminement de son cours. Quand il a vu le retour du travail des élèves, ça ne correspondait pas à ce que lui avait voulu faire faire au départ", assure le secrétaire départemental du Snes. Ce dernier assure que son collègue "a été assommé de se retrouver suspendu". Et de poursuivre : "jeune enseignant dans sa troisième année d'exercice, à 28 ans, ça l'a un peu décontenancé."