La BD, victime du piratage

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avec AFP et Thierry Geffrotin , modifié à
La bande dessinée est le secteur de l’édition le plus touché.

"Pirate !" s’époumonait régulièrement le capitaine Haddock dans les aventures de Tintin. Une "injure" reprise en chœur aujourd’hui par les auteurs et les éditeurs de BD, alors que débute jeudi le 39e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême.

40.000 titres en ligne

Ce secteur de l’édition est l’un des plus concernés par les reproductions illicites, avec environ 40.000 titres en ligne. "Le temps de lecture et le format des BD s'adaptent bien à une lecture sur ordinateur ou support numérique et il est fréquent de trouver des paquets de BD à télécharger par série ou par auteur", explique Mathias Daval, auteur d’une étude réalisée pour le MOTif (Observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France).

A l'exception du manga, les nouveautés sont nettement moins piratées que les best-sellers des deux dernières années. Deux BD piratées sur trois datent de moins de dix ans.

Sur les 35 à 40.000 titres de BD copiés frauduleusement, "8.000 à 10.000 sont réellement accessibles, avec des liens de téléchargement et des sources peer-to-peer actifs, à la portée d'un internaute moyennement averti", souligne Mathias Daval. Le peer-to-peer est un système où les ordinateurs, reliés entre eux par un réseau, peuvent s'échanger des fichiers. Il est encore employé pour le piratage des BD mais le téléchargement direct gagne du terrain.

Trois et cinq heures de travail

Autre caractéristique du piratage de BD : le format se prête très bien au "streaming" (la lecture en continu sur internet). C'est d'ailleurs le modèle choisi par la plupart des plates-formes légales de BD numériques.

Mais comment pirate-t-on une BD ? Ce n’est pas un sport solitaire ! Il existe ainsi des centaines d'équipes de pirates passionnés, qui sont à l'oeuvre. Ces "teams" scannent les planches, les traduisent si nécessaire, refont alors les textes à la main et les mettent en ligne. C'est un travail de longue haleine, nécessitant trois à cinq heures pour une BD sans la traduction.

Pour l’industrie de la bande dessinée, le piratage représente évidemment un manque à gagner. "Les revenus des éditeurs, mais aussi ceux des auteurs vont baisser de 20%", assure Philippe Ostermann, directeur général adjoint des éditions Dargaud au micro d’Europe1.
 

"Les auteurs ne pourront plus vivre de leurs œuvres" :

Côté mangas, la lecture en ligne d’œuvres piratées est une pratique ancienne, ce qui n'est pas le cas pour les autres types de BD. Ce sont surtout celles parues au Japon et pas encore en France qui sont copiées. "Une fois la traduction publiée, les pirates suppriment la version illégale. C'est leur code de déontologie", précise Mathias Daval.

Pour les férus de bande dessinée japonaise, il existe d'énormes portails de téléchargement : le principal, fin décembre 2011, regroupait ainsi environ 9.000 chapitres de mangas en streaming et 8.000 en téléchargement direct. Certains sites sont aussi spécialistes d'un seul manga. Ainsi, le plus populaire consacré à la série "One Piece" a enregistré 4,1 millions de visites en 2011.