Karrek Ven, le procès de l’École en bateau

Près de vingt ans après la première plainte, Leonide Kameneff  comparaît devant les assises des mineurs.
Près de vingt ans après la première plainte, Leonide Kameneff comparaît devant les assises des mineurs. © CAPTURE D'ECRAN DU SITE ECOLE EN BATEAU
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Près de vingt ans après la première plainte, Leonide Kameneff comparaît devant les assises des mineurs.

L'info. Plus de 18 ans après le dépôt de la première plainte dans ce dossier, le procès du fondateur de l’École en bateau et trois autres anciens membres d'équipage de Karrek Ven s'ouvre mardi devant la cour d'assises des mineurs de Paris. Leonide Kameneff, 76 ans, est accusé d'avoir violé plusieurs des enfants qui avaient embarqué à bord de ce bateau-école pendant près de 30 ans.

Une philosophie de vie. Entre 1969 et 2002, l'association l'Ecole en bateau a accueilli 400 garçons et 60 filles. Fondée par Kameneff, un ancien pédo-psychothérapeute, elle leur promettait une "expérience émancipatrice", "une alternative à l'éducation et à l'enseignement de nos écoles" pour "un épanouissement intellectuel, psychologique, affectif et social".

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Un climat "libertin" et des dérapages. Le Karrek Ven, un thonier de plus de 20 mètres, emmenait au bout du monde, pour plusieurs années parfois, deux adultes et dix à douze adolescents. De nombreux jeunes ont témoigné y avoir passé un séjour formidable. Mais à bord, tout n'aurait pas été aussi parfait. Durant l'instruction, des parties civiles ont comparé la vie sur le bateau à celle d'une secte, évoquant un "cassage psychologique" visant à les couper de toute relation extérieure pour leur imposer les valeurs et les désirs des adultes à bord, dans un climat "libertin". Certains jeunes ont dénoncé des dérives : massages, séances de masturbation collective et mêmes attouchements et viols.

Une première plainte. En 1994, un participant profite d'une escale en Martinique pour porter plainte pour viol et agression sexuelle. Leonide Kameneff est incarcéré pendant quatre mois puis bénéficie d'un non-lieu pour vice de procédure. Quelques années plus tard, un jeune homme dépose une plainte auprès de la Brigade de protection des mineurs de Paris. Comme les faits dénoncés se sont produits dans les Caraïbes, c'est un juge d'instruction de Fort-de-France qui est saisi. Mais les policiers retrouvent d'autres participants qui confirment les accusations mais l'enquête patine.

Mandat d'arrêt et extradition. En 2006, à la demande de l'avocat des parties civiles, le dossier est confié à une juge de métropole. Cette dernière lance alors un mandat d'arrêt international contre Kameneff qui s'est réfugié au Venezuela. L'homme est extradé en mai 2008 et placé en détention provisoire en France. Mais à peine trois mois plus tard, il est libéré : son incarcération doit avoir une durée "raisonnable", or personne ne sait quand aura lieu le procès.

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Le  "mal-être" des accusés. En 2011, Leonide Kameneff, trois de ses anciens compagnons de voyage et un ancien élève du Bateau école sont renvoyés devant la cour d'assises des mineurs pour de viols et des agressions sexuelles. Un renvoi confirmé par la Cour de cassation après les différents appels des accusés. De son côté, Leonide Kameneff a dit récemment "chercher à comprendre la raison de ces plaintes". Il a aussi émis l'hypothèse d'un "mal-être" des accusés. L'ancien psychiatre a reconnu une partie des faits lors de l'instruction, tout comme un autre accusé, mais affirme aujourd'hui avoir dit "ce qu'on attendait de lui" pour sortir de détention provisoire.

L'Etat condamné. Entre temps, l'Etat a été condamné pour "déni de justice", en raison de la longueur de la procédure. Pour "réparer le dommage causé par le dysfonctionnement du service de la justice", il a dû verser 245.000 euros de dommages et intérêt à onze parties civiles.