Jurés populaires : les syndicats très sceptiques

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Fabienne Cosnay , modifié à
Les magistrats doutent de la pertinence de la réforme et des moyens pour la mettre en oeuvre.

La réforme sur les jurés populaires ne se fera pas avec l’appui des magistrats. Cet ultime grand chantier judiciaire du quinquennat Sarkozy, qui entrera en vigueur progressivement à partir de début 2012, soit quelques mois avant la présidentielle, fait déjà la quasi-unanimité contre lui dans la magistrature.

Des doutes sur le budget

Echaudés par le passé avec la suppression des juges sans robe (juges de proximité, assesseurs dans les tribunaux pour enfants) faute de moyens, les magistrats s’interrogent sur le budget alloué à ce projet de loi. Le recrutement annoncé de 155 magistrats et de 100 greffiers supplémentaires pour "la mise en oeuvre de la réforme" n’a pas suffit à les rassurer.

"Mais comment on va gérer tout ca ?"

D'après le projet de loi, les jurés recevront une formation de 24 heures. Le ministère de la Justice assure que ce temps sera suffisant et que les magistrats prendront le temps d'expliquer aux jurés le fonctionnement de la justice pendant les audiences.

Une provocation, selon les syndicats. "Dans une justice de luxe, c’est quelque chose qu’on pourrait envisager" ironise sur Europe 1 Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats, l'organisation majoritaire. "Je pense que la Chancellerie a quand même une bonne connaissance de la situation de la justice" ajoute t-il. Et le président de l'USM d'énumérer les audiences "jusqu'à 1h, 2h du matin, les 15 affaires traitées dans une après-midi, etc. "Je ne sais pas comment on va pouvoir gérer tout ça", déplore Christophe Régnard.

"On fait semblant d’associer le peuple"

"Je crains que les jurés n’osent pas aller contre les magistrats professionnels, alors qu’ils n’auront pas eu un minimum de formation" met en garde, de son côté, Matthieu Bonduelle, secrétaire général du syndicat de la magistrature. "J’ai peur qu’on fasse semblant d’associer le peuple", ajoute-t-il.

Une défiance à l’égard des juges

Les syndicats de magistrats s’inquiètent aussi de l'arrivée de jurés aux côtés des juges d’application des peines, pour les libérations conditionnelles concernant les peines d'emprisonnement égales ou supérieures à cinq ans. Régulièrement mis en cause par le chef de l’Etat dans plusieurs affaires très médiatisées, notamment l'affaire Laëtitia, ou celle de la joggeuse Marie-Christine Hodeau, les JAP vont se retrouver sous contrôle. Pour les syndicats, l’association des jurés à la décision risque de mettre fin à ces libérations conditionnelles, pourtant considérées comme une arme anti-récidive.