Jurés populaires, l’heure du premier bilan

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Fabienne Cosnay , modifié à
Nicolas Sarkozy a adressé un satisfecit. Les magistrats sont plus circonspects.

Ils n’ont fait leur entrée dans les tribunaux correctionnels que depuis trois semaines mais Nicolas Sarkozy a déjà décidé de dresser un premier bilan des jurés populaires. Le chef de l’Etat s’est rendu jeudi à la cour d’appel de Dijon où il a rencontré en privé des citoyens assesseurs et des magistrats professionnels ayant assuré leur formation.

Pour le président, cette réforme, qui vise à rapprocher la justice et les citoyens, est d’ores et déjà une réussite. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs annoncé, le 13 janvier, lors de ses vœux aux hautes juridictions, son intention de généraliser la présence des jurés populaires dans tous les tribunaux correctionnels, dès 2013.

"C’est bien de prendre le temps de juger mais..."

Du côté des magistrats, le bilan est plus contrasté. Les premiers retours des tribunaux et cours d’appel de Dijon et Toulouse, où la réforme est expérimentée, sont mitigés. Certes, les trois magistrats qui siègent par audience aux côtés des deux citoyens assesseurs prennent aujourd’hui le temps de leur expliquer les affaires, de détailler les faits reprochés. Les jurés populaires ont à connaître les délits d’"atteinte aux personnes les plus graves" comme par exemple, les agressions sexuelles, les violences aggravées, les vols avec violence sur la personne, etc.

Mais combien de temps ce système peut-il durer ? "C’est bien de prendre le temps de juger", note Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, interrogé par Europe1.fr. "Mais dans les autres affaires non traitées en présence de citoyens assesseurs, il va falloir compenser et aller plus vite", s’inquiète-t-il.

Un embouteillage des dossiers

Au tribunal correctionnel de Dijon, par exemple, les magistrats ont dû renvoyer la semaine passée six affaires sur les onze prévues pour la journée d’audience, par manque de temps. Car, en présence des jurés populaires, "le temps consacré à l’examen des dossiers, double, voire triple, par rapport à une audience classique",  indique Matthieu Bonduelle.

A Toulouse comme à Dijon, on s’attend déjà à un embouteillage des dossiers. Car à terme, quand le dispositif sera étendu à tous les tribunaux correctionnels, ce seront près de 35.000 affaires qui seront jugées chaque année en présence de citoyens assesseurs. "Sur le fonctionnement général de la justice, c’est lourd", fait remarquer Claudie Viaud, vice-procureur du parquet de Toulouse, au micro d’Europe 1.

Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, juge, lui, carrément "irresponsable" de généraliser la réforme sans augmenter le nombre de magistrats et de greffiers.