Jacques Servier, fondateur des laboratoires Servier, est mort

Jacques Servier est mort.
Jacques Servier est mort. © MaxPPP
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Damien Brunon avec Fabienne Le Moal , modifié à
AFFAIRE MEDIATOR - Le fondateur du laboratoire pharmaceutique qui portait son nom avait 92 ans. Il avait été éclaboussé par le scandale du Mediator.

L'INFO. "Les Laboratoires Servier et tous leurs collaborateurs ont appris avec une immense tristesse le décès de leur Président-Fondateur, le Docteur Jacques Servier, décédé à son domicile le 16 avril 2014 dans sa quatre-vingt-treizième année", a annoncé le groupe mercredi soir dans un communiqué. Une information confirmée auprès d'Europe 1 par un porte-parole du groupe. Servier, un grand nom de l’industrie pharmaceutique française qui restera marqué par le scandale du Mediator.

Un industriel parti de rien. Né en 1922 à Vatan, dans l'Indre, Jacques Servier, fils de pharmaciens, fait ses études à la faculté de médecine et de pharmacie de Paris. Il rachète "pour trois fois rien", selon ses mots, un laboratoire à Orléans en 1954 qui sera à l'origine de son succès. Dès l'année suivante, il lance ses deux premières molécules qui vont le mener à diriger le deuxième groupe pharmaceutique français.

Cinquante ans plus tard, l'entreprise de Jacques Servier est composée d'une dizaine de filiales, emploie 20.000 salariés et revendiquait 3,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2012. Pour principales réussites, le laboratoire a développé de nombreux médicaments : le Daflon (contre les jambes lourdes), le Coversyl (contre l'hypertension artérielle), ou encore le coupe-faim Isoméride et le malheureusement connu Mediator.

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Il joue avec les réseaux. Pour monter l'échelle industrielle, le patron de l'entreprise cultive ses connaissances. Son laboratoire collabore avec le CNRS, l'Inserm, l'Institut national du cancer, l'Institut du cerveau et finance de nombreuses recherches et revues. En 2001, dans une enquête, le Nouvel Obs pointait aussi du doigt des cadeaux qui auraient été offerts aux médecins.

Jacques Servier se rapproche également des politiques, notamment les anciens ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, Roselyne Bachelot ou encore Xavier Bertrand. En 2009, il est finalement récompensé de la grand-croix de la Légion d'honneur, le grade le plus haut, par le président Sarkozy.

Un personnage loin de l'image qu'il renvoie. Toujours bien habillé, l'air bonhomme, le fondateur des laboratoires Servier n'était pas un personnage comme les autres. Très discret, il en venait même jusqu'à cacher à la plupart de ses collaborateurs le chiffre d'affaire de l'entreprise, qui n'a jamais été cotée en Bourse malgré ses bons résultats.

Parmi ses idées fixes, Jacques Servier dénigrait l'Etat. "Le super-Etat vole à l'entreprise sa chair, à l'entrepreneur son patrimoine, au peuple son sang", écrivait-il dans son livre La passion d'entreprendre en 1991. Concernant les femmes sur le lieu de travail, le docteur en médecine avait pu tenir des propos discutables. "La femme comme collaboratrice de l'entreprise ou cadre est très efficace, mais parfois plus difficile à modérer qu'un homme parce qu'elle obéira quelques fois à des motivations émotionnelles et que parfois sa vue sera merveilleusement claire et merveilleusement courte", expliquait-il dans un autre de ses livres.

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L'affaire Mediator. Et poursuivant la liste de ce que Jacques Servier détestait, le poids faisait partie des sujets les plus importants. "J'ai exorcisé la table, ce meuble sacré auquel les Français consacrent une religion sans théologie", citait Libération en 2010, ajoutant qu'il se réjouissait de n'avoir jamais dépassé les 59 kilos de toute sa vie. C'est donc naturellement que le propriétaire des laboratoires pharmaceutiques avait investi dans le Mediator, ce médicament, initialement utilisé pour lutter contre le diabète, mais finalement prescrit comme coupe-faim. Tout s'effondre en mai 2010, quand Irène Frachon, pneumologue brestoise, proche de la revue Prescrire, fait émerger l'affaire dite "du Mediator". Le médicament aurait fait plus de 500 morts selon la praticienne.

"On s'en fout du procès". Jacques Servier scelle son sort début 2011 lorsque, devant le personnel de son entreprise, il déclare : "Le Mediator, ce n'est que trois morts". Lâché par les politiques et honni par l'opinion publique, il se retrouve bien seul et est finalement mis en examen pour obtention indue d'autorisation, tromperie, escroquerie, blessures involontaires et homicides involontaires. Un premier procès, ouvert en mai 2013, sera d'ailleurs marqué par une nouvelle forme de mépris concernant ce qui l'entoure. "On s'en fout du procès", jette-t-il alors face caméra.

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