"J’ai vécu des faux souvenirs"

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avec Fabienne Le Moal , modifié à
- Son thérapeute, aujourd'hui jugé, a suggéré de faux traumatismes à Stéphanie.

Stéphanie*, aujourd’hui quadragénaire, a vécu pendant douze ans sous le joug de Benoît Yang-Ting, un thérapeute qui prétendait lui faire revivre des souvenirs douloureux et refoulés. Cet homme de 77 ans et son épouse Suzanne comparaissent à partir de mardi devant la 13e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour abus de faiblesse sur deux de leurs "patients" à qui ils appliquaient la méthode dite des "souvenirs induits".

C’est en 1987 que la jeune femme croise le chemin de celui qui la "soignera" jusqu’en 2001. "J’avais perdu ma mère, j’avais 16 ans et j’étais isolée à Paris", raconte Stéphanie sur Europe 1. "Mon père m’a dit 'va le voir'. Il a dit que c’était gratuit pour la famille", ajoute-t-elle, précisant que Benoît Yang-Ting gravitait alors dans le cercle familial.

"1.200 francs de l’heure"

"Tous les entretiens préalables d’accroche étaient effectivement gratuits. Et puis après, est arrivée la session. A l’époque, en 1993, c’était 1.200 francs de l’heure. C’était extravagant 320 euros de l’heure !", souligne Stéphanie. "8 heures par jour, sept jours sur sept. Pour moi, ça a été 22 jours. Une session, c’est donc 40.000 euros", insiste la plaignante.

Au cours de ces séances, Benoît Yang-Ting tente de soigner le "mal-être" de Stéphanie en faisant remonter ce que l’on nomme aujourd’hui de "faux souvenirs induits". "Le principe de sa thérapie, c’est que toute souffrance dans le présent a son origine dans le passé. En ayant dormi uniquement 3 à 5 heures dans la nuit, vous perdez tous vos repères, toute faculté de discernement", se souvient-elle. "J’ai donc vécu des scènes que je n’ai jamais vécues en vrai et qu’on appelle des faux souvenirs", ajoute-t-elle.

" On avait vécu la même chose "

Stéphanie est loin d’être la seule victime présumée de ce thérapeute. D’autres personnes ont essayé cette méthode mais les faits sont aujourd’hui prescrits. "On s’est même aperçu qu’on avait vécu la même chose, c'est-à-dire qu’on avait toutes été violées par notre père voire notre grand-père", raconte Stéphanie.

Mais l’addition ne s’arrête pas là. Stéphanie raconte comment chaque " faute d’orthographe " dans un compte-rendu était facturée "50 euros". Pour trouver de quoi payer les honoraires de son thérapeute, Stéphanie emprunte alors de l’argent. "Quand la  vie est en jeu, ça n’a pas de prix", confie-t-elle. "Sur 12 ans, j’ai versé 238.000 euros" précise Stéphanie. Mais pour la jeune femme, ce prix a été d’autant plus cher à payer que "c’est 12 ans de ma vie perdus, mis entre parenthèses sur de belles années entre 25 et 37 ans". Le procès doit durer deux jours.

*Son identité a été changée afin de préserver son anonymat.