France Télécom : le salarié avait écrit son désespoir

Le salarié qui s'est suicidé avait adressé une lettre à sa direction en 2009.
Le salarié qui s'est suicidé avait adressé une lettre à sa direction en 2009. © MAX PPP
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C.V. , modifié à
Le salarié qui s’est suicidé mardi avait adressé une lettre à sa direction en 2009.

Ces quelques lignes pourraient permettre de comprendre ce qui a poussé Rémy L. à commettre l’irréparable. Dans une lettre adressée en septembre 2009 à la direction de France Télécom révélée jeudi par Mediapart, cet employé de 57 ans faisait déjà part de son mal-être, qui l’a peut-être poussé à s’immoler par le feu mardi sur le parking de son ancien lieu de travail, à Mérignac, en Gironde.

"Perte de confiance"

"Je souhaite réagir à propos de la vague de suicides auxquels FT est confronté actuellement", commence-t-il. "Continuons tous, employeur, Etat actionnaire et décideur, syndicats, salariés, à ignorer les vraies causes profondes : dans dix ans on sera encore à traiter de ce même sujet.... enfin non... une certaine catégorie du personnel aura disparu par départ en retraite ou par suicide: et le problème sera réglé, enfin!", prévient ce père de quatre enfants.

Et d’évoquer "beaucoup de remue-ménage de brassage de population pour rien". Rémy L. met ainsi en garde sa direction contre les réorganisations, qui engendrent selon lui, "perte de confiance, incompréhension et perte de repères, d’orientation en stratégie d’entreprise".

"Je suis de trop"

Il dresse ainsi un réquisitoire sans concession contre la méthode de management de sa direction. "La considération, la reconnaissance du personnel, la simple considération et respect de l’être humain est un incontournable de la gestion projet !", s’agace ce salarié, qui était représentant du personnel pour la CFDT, et était "préventeur", c'est-à-dire chargé des conditions de travail, de l'hygiène et de la sécurité.

"On forme à tour de bras et de façon inadaptée ; personne en s’en soucie. Puis on jette en activité sans évaluation à chaud, sans évaluation froid. Cela marche ou cela casse. Pas de garde-fou ni de soutien : c’est une machine à fabriquer des déséquilibrés, ensuite il suffira d’agiter un peu !" poursuit-il alors qu’il enchaîne à cette époque les missions, sans poste vraiment défini. "Je suis de trop", glisse Rémy L. au détour d’une phrase.

"A qui profite ce crime ?"

"Cette situation est endémique du fait que rien n’est fait pour y faire face : le suicide reste comme étant LA solution !", résume le salarié, à bout. Et de conclure sa missive par une ultime question : "C’est triste, à qui profite ce crime ?".

Selon Mediapart, cette lettre au contenu alarmant avait bien été transmise à Brigitte Dumont, la DRH. "Un warning s'est allumé, et Brigitte Dumont a transmis ce courrier à plusieurs responsables locaux", d’après un porte-parole de France Télécom.

Le CHSCT va ouvrir jeudi une enquête sur le suicide de Rémy L. Un porte-parole du groupe a précisé que cette lettre constituait "un élément qui est sans doute important dans les enquêtes aussi bien interne que judiciaire en cours".