Fermeture du Cévenol : "ils ont introduit le loup dans la bergerie"

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TÉMOIGNAGE E1 - Le père d'Agnès Marin revient sur la fermeture de l'établissement du Chambon-sur-Lignon où sa fille a été tuée en 2011.

En 2011, l'établissement a été le théâtre macabre du meurtre d'Agnès Marin par un autre élève.  Le collège Cévenol du Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, placé en redressement judiciaire, et qui éprouvait le plus grand mal à se relever du drame, ne peut plus poursuivre son activité. Le collège-lycée International Cévenol était déjà en proie à des difficultés de trésorerie depuis plusieurs années, et avait été placé en redressement judiciaire en mai 2013.

>> Le père d'Agnès Marin, a réagi à cette annonce lundi au micro d'Europe 1. Frédéric Marin regrette que cette fermeture ne se fasse que pour de simples raisons économiques. Jeudi dernier, la famille de la jeune fille a assigné l’État pour faute lourde devant le tribunal de Paris.

L'établissement et ses dirigeants ont-ils une responsabilité dans la mort d'Agnès ? "Oui, bien sur. Dans la mesure où un responsable d'établissement scolaire doit assurer la sécurité de ses élèves, à minima.  Et encore une fois je reprends les termes que la justice a employé au cours du procès : 'ils ont introduit le loup dans la bergerie'. Difficile pour un homme aussi expérimenté que monsieur Bauwens (le directeur de l'établissement, ndlr), et pour un établissement qui prétend avoir des dizaines d'années d'expérience, de penser qu'on introduit un garçon dont il savait, cela a été démontré, qu'il avait fait de la préventive pour des faits de viol, ou en tout cas pour des faits d'agression sexuelle".

Souhaitiez-vous cette fermeture ? "Non, je ne la souhaitais pas comme ça. Ce n'est pas pour des raisons économiques qu'il devrait fermer. C'est pour toutes les affaires, toutes les casseroles qu'il se traine. Et malheureusement, Agnès est une grosse casserole. C'est terrible à dire, de penser que sa fille est une casserole, mais c'est un fait divers. Et d'ailleurs dans le communiqué que le collège Cévenol a publié, ils disent bien qu'ils ne se sont pas relevés de cette affaire. Mais Agnès, n'était pas une simple 'affaire'. Même avec fermeture, la personne morale ne disparaît pas. Il ferme avant que nous ayons pu leur demander des comptes".

Pourquoi porter plainte contre l’État ? "Pourquoi ? Parce que les événements qui ont amené à ce qu' Agnès soit torturée, violée et brulée dans un sous-bois en plein après midi, en pleine semaine, ne sont pas la faute à pas de chance. Il y a vraiment une succession d'événements, de gens qui étaient plein de bonnes attentions, qui prétendent avoir fait leur travail. Et le plus terrible, c'est que personne n'est jamais revenu sur quoi que ce soit et personne n'a semblé avoir aucun doute sur ce qui s'est passé. J'attends d'être sûr que cela n'arrivera pas à quelqu'un d'autre, j'attends d'être sûr que la collectivité, nous tous, se pose des questions sur ce qui nous arrive. En l'occurrence, le Cévenol, c'est la Justice et l’Éducation nationale. Deux institutions gérées par l’État qui doivent de temps en temps se poser des questions et rendre des comptes. On fait tous des erreurs, on se doit de s'interroger sur nos pratiques professionnelles et citoyennes".

La condamnation du meurtrier ne prouve-t-elle pas que la justice fonctionne ? "La machine judiciaire a fonctionné. Il était difficile, pour l'accusé à l'époque, pour l'homme qui a été condamné, de nier les fait. Il les avait reconnu peu de temps après que le corps d'Agnès ait été retrouvé. Donc effectivement, la justice est passée. Au moins pour celui qui a tenu le couteau. Pas pour tous ceux qui l'ont amené à être ici. Qu'est-ce qu'il faisait au Cévenol ? Un établissement mixte au milieu de la nature ? C'est ça, la question".

Le drame est-il lié à un dysfonctionnement de la justice ? "Je pense que c'est une succession de lâchetés. Le réquisitoire de la procureure était une des rares parties qui n'était pas huis-clos lors du procès, en juin dernier. Elle y dit clairement que parmi beaucoup d'événements, le juge d'instruction, au cours de la première affaire, du premier viol (un viol aggravé sous la menace d'une arme), cet accusé a été libéré avant qu'elle ait reçu l'expertise du psychiatre judiciaire, qui était censé faire une recommandation sur son état. L'affaire d'Agnès a été la conséquence d'une succession d'éléments, d'événements, de personnes, qui se sont dit : 'quelqu'un d'autre fera bien le travail à ma place : quel ennui'. Je suis là pour dire qu'il s'agit pas d'un ennui mais de gens qui doivent dire ce qu'il s'est passé, pourquoi ils l'ont fait et ce qu'ils n'ont pas fait correctement".

Comment trouve-t-il la force de continuer à se battre ? "Je ne sais. Enfin si, bien sûr... Des raisons personnelles. Et Agnès. Être face à une pierre tombale, pour une enfant de 13 ans, c'est difficile à vivre. Et puis la nécessité de savoir ce qui s'est passé. Ce n'est pas une raison de vivre, mais il est important pour tous de savoir ce qu'il s'est passé et ne pas simplement se dire : 'c'est passé, laissons le temps faire son œuvre'. Je ne veux pas en arriver là".

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