Facebook, plus un motif de licenciement

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et Ariane Lavrilleux , modifié à
- La cour d'appel de Douai a annulé le renvoi d’un employé. Il avait insulté son patron.

Jusqu’à présent, les décisions de justice s’accumulaient, toujours dans le même sens : sur les réseaux sociaux comme dans la vraie vie, un salarié n’a pas le droit d’insulter son employeur sur les réseaux sociaux, en vertu d’un devoir de loyauté.

Mais une décision de la cour d'appel de Douai, passée jusque-là inaperçue, a changé la donne : les juges ont qualifié d'"abusif" le licenciement d’un employé qui traitait son employeur de "baltringue" sur son profil Facebook privé.

"Vous êtes toutes de belles baltringues"

Juillet 2009. Le salarié signe une promesse d’embauche pour la saison 2009-2010 au sein d’une radio privée nordiste pour laquelle il travaille depuis longtemps et enchaine les contrats précaires.

Tout semble aller bien, puis le contrat d'un de ses collègue de travail n’est pas renouvelé. L'internaute échange avec lui via Facebook et partage son malaise vis-à-vis de la direction de la radio.

Une correspondance qui aboutit à la publication du message suivant : "A toute la direction,vous êtes toutes de belles baltringues anti-professionnelles, lourder un animateur le 2 août, c’est faire preuve d’irrespect? Moi, j’ai une promesse d’embauche, je suis là pour un an, et croyez-moi, vous allez le sentir !"

Licencié dans la foulée

Si la hiérarchie de l’entreprise ignore cet échange qui a lieu sur des profils Facebook privés, un autre collègue de travail y a accès et informe ses supérieurs. Résultat : fin août, le salarié se voit privé de sa promesse d’embauche.

Dans la foulée, il saisit la justice pour rupture abusive de son contrat de travail mais se heurte à la jurisprudence alors en vigueur : il y a eu injures et menaces. "La rétractation par l’employeur de cette promesse d’embauche est justifiée", estime le conseil des Prud’hommes de Tourcoing le 27 juillet 2010.

Ces insultes ne justifient pas le licenciement

Obstiné, le salarié licencié fait appel et se retrouve le 16 décembre devant la cour d'appel de Douai. Une détermination payante puisque cette dernière "casse" la jurisprudence existante et juge le licenciement "abusif". Et pour cause, cette discussion virtuelle a eu lieu dans un cadre privé, seuls les amis des personnes concernés pouvaient y avoir accès.

L’employeur a donc été condamné à verser des dommages et intérêts et "grâce à cet arrêt, on ouvre une brèche, on respecte un peu plus la vie privée des gens", se félicite sur Europe 1 Me Jacques Djian, l’avocat du plaignant.

"C’est une avancée pour la liberté des salariés qui ont un droit de critique à l’égard de leur employeur, à condition que ce droit de critique reste confidentiel et confiné au niveau d’un espace réduit", poursuit-il. Avant de prévenir : "pour autant, il n’y a aucune certitude que demain la cour d’appel de Lyon, dans un cas similaire, dise exactement tout le contraire". Mais si la cour d’appel de Lyon conforte cette décision, c’est une nouvelle jurisprudence qui est en train de s’installer.