Ecoutes : Valls pouvait-il ne pas être au courant ?

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avec Pierre de Cossette , modifié à
LA QUESTION - Le ministre de l'Intérieur assure avoir appris l'affaire par voie de presse. Cette version est-elle crédible ?

Manuel Valls était-il au courant de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy et de son avocat Me Herzog ? C'est du moins ce qu'affirme le Canard Enchaîné dans son édition de mercredi. Impliquant également dans ses révélations Christiane Taubira. Si le cas de la ministre de la Justice a donné lieu à une affaire dans l'affaire, celui de Manuel n'a pas été éclairci. Le ministre de l'Intérieur assure avoir appris l'affaire des écoutes dans la presse, le 7 mars dernier. Europe 1 fait le point.

Les déclarations : Valls n'était pas au courant. La version officielle a d'abord été donnée par le ministre de l'Intérieur en personne. A la suite des révélations du Canard Enchainé, ce dernier a déclaré mercredi avoir appris l'existence de ces écoutes "à l'occasion des révélations du Monde".

L'autre version officielle a été apportée le même jour par Christian Lothion. L'ancien patron de la Direction centrale de la police judiciaire jusqu'en janvier a confirmé qu'il avait bien été "informé du placement sur écoute de Nicolas Sarkozy". Mais il assure toutefois ne pas en avoir informé le ministre de l'Intérieur. Selon ses propos, Manuel Valls n'était au courant  "ni du placement sur écoute, ni du contenu des transcriptions".

Interrogé sur son choix de ne rien communiquer, Christian Lothion a déclaré qu'il souhaitait respecter le code pénal. Selon les informations d'Europe 1, il n'a même pas prévenu le directeur général de la police nationale, Claude Baland.

En pratique : les dossiers sensibles remontent jusqu'à la place Beauvau. Alors, est-ce crédible ? Certains hauts responsables policiers sont sceptiques. "J’imagine mal qu’il n’a pas été informé. Tout simplement parce que c’est la pratique usuelle. Elle existe depuis qu’existe la police. Que le gouvernement soit de droite ou de gauche", explique Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat de policiers Alliance, interrogé par BFMTV.

bandeau valls

Même son de cloche du côté de Martine Monteil, ancienne patronne de la police judiciaire, interrogée sur Europe 1 jeudi matin. "C'est assez peu crédible, sur la masse des affaires que nous avons eu à traiter (...) il y avait un infime pourcentage d'affaires politico-financières, qui pouvaient mettre en cause un député, un élu, un avocat. Là, je considérais que nous devions informer notre hiérarchie, c'est-à-dire notre directeur général de la police nationale, qui décide de transmettre, ou pas, à l'échelon du dessus, c'est-à-dire au ministre de l'Intérieur", détaille-t-elle.

Écoutezl'interview de Martine Monteil :

"L'Intérieur pas informé d'une affaire aussi...par Europe1fr

Le circuit qu'elle décrit est en effet connu. Si le juge d’instruction ordonne des écoutes, ce sont les policiers qui les mettent en place. Ces derniers sont donc tenus d'en rendre compte au juge et également d'en informer leur autorité de tutelle, dès lors que le dossier est jugé sensible. L'information remonte alors jusqu'au directeur général de la police nationale, puis, si ce dernier le décide, jusqu'au cabinet du ministre de l'Intérieur. S'il est d'usage  de faire remonter les informations sensibles place Beauvau, "ça ne veut pas dire que l'on rentre dans le détail", explique un grand flic à Europe 1.

Les conséquences : une pratique périlleuse. Et cette posture peut se révéler être à double tranchant. Le devoir de loyauté est en effet un exercice d'équilibriste. Et pour le patron de la police judiciaire, la situation n'est pas évidente. Un haut fonctionnaire décrypte : admettre qu'il aurait transmis des éléments au ministre de l'Intérieur, lui qui est soumis à l'autorité des juges, ce serait prendre un risque pénalement, remettre en cause la séparation des pouvoirs et fragiliser son ancienne maison.

Pour Manuel Valls, la situation est tout aussi compliquée. Si le premier flic de France assure qu'il n'était pas au courant des écoutes, il risque de se faire traiter de menteur et d'incompétent. Mais s'il confie qu'il était au courant, il est soupçonné d'intrigues.

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