Dioxine : un procès, peu d’accusés

Quand le scandale avait éclaté en 2001, les habitants avaient manifesté pour la fermeture de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère.
Quand le scandale avait éclaté en 2001, les habitants avaient manifesté pour la fermeture de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère. © MAXPPP
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avec Fabienne Le Moal , modifié à
Le procès de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère, fermé en 2001, s’ouvre lundi à Albertville.

Quand le scandale de la dioxine éclate en 2001, les mesures adoptées sont radicales. 7.000 bêtes sont abattues, 2 millions de litres de lait sont détruits. Mais le mal est fait. Pendant de nombreuses années, l’incinérateur de Gilly-sur-Isère, en Savoie, a rejeté jusqu’à 750 fois plus de dioxine que les normes autorisées.

"C’était des dépôts de poussières grasses et noires", raconte Dominique Frey, une habitante. "Il y a des gens qui l’ont constaté dans les filtres de leur piscine ou sur leur linge. C‘était quelque chose qui se voyait et qui se sentait. Ce qui alarme le plus, c’est quand on découvre que dans le village qui se trouve sous les fumées de l’incinérateur, il y a un nombre de cancers élevé. Ce qui me préoccupait le plus, ce n’est pas ce qui pouvait m’arriver à moi, mais aux plus jeunes, aux enfants, aux générations qui suivaient."

Ecoutez Dominique Frey :

Trois ministres entendus

L’exploitant du site est jugé à partir de lundi à Albertville. Mais l’homme sera seul dans le box des accusés. Pourtant, l’enquête, menée par une juge opiniâtre, a duré cinq ans. La magistrate n’a pas hésité à entendre trois ministres de l’Environnement, Corinne Lepage, Dominique Voynet et surtout Michel Barnier, très impliqué localement.

Elle a aussi mis en examen deux anciens préfets. Mais seul l’industriel devra s’expliquer, et seulement sur le dépassement des normes. Car les experts ne sont pas parvenus à établir de lien formel entre la dioxine et les maladies, si nombreuses soient-elles. Du coup, on ne peut pas parler de mise en danger.

Que le procès ne serve pas à rien

"On aurait dû aller plus loin", regrette Me Lafforgue, qui représente une association de riverains. Il y avait des produits polluants extrêmement dangereux, comme la dioxine, mais aussi d’autres métaux lourds, tout aussi cancérigènes. Il y avait donc un risque de contracter une maladie grave non pas aujourd’hui ou demain, mais dans 5,10, 15 ou 20 ans. Ce risque-là n’a pas été pris en compte alors que les juridictions auraient pu se saisir de cette infraction pour en faire un procès exemplaire."

Les habitants ont donc pour seul objectif que le procès ne serve pas à rien. Ils veulent donc que l'ancien préfet et l'ancien maire d'Albertville, pourtant mis hors de cause, viennent expliquer pourquoi ils n'ont rien fait pour éviter cette pollution. Ils veulent aussi mettre en avant la gestion totalement anarchique des déchets pendant ces années là. Et c'est Corinne Lepage qui témoignera sur ce sujet dès lundi après-midi, par visioconférence depuis Bruxelles, puisqu'elle aujourd'hui député européenne.