Dentressangle : "un taux horaire de 1,44€"

Un policier décrit le système découvert chez le transporteur Norbert Dentressangle.
Un policier décrit le système découvert chez le transporteur Norbert Dentressangle. © MAXPPP
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MLC avec Guillaume Cahour , modifié à
- Un policier décrit le système découvert chez le transporteur Dentressangle.

Un géant du transport routier dans la tourmente. L'entreprise Norbert Dentressangle, qui emploie 33.000 personnes dans le monde, dont 15.000 en France, est au coeur d'une enquête pour travail dissimulé : elle aurait employé des chauffeurs roumains hors du cadre légal français. Un enquêteur de la police aux frontières, qui a travaillé sur l'affaire, détaille en exclusivité sur Europe 1 le système découvert chez le transporteur.

Des chauffeurs "détournés pour travailler en France"

"En 2007, la Roumanie entre dans l'Union européenne. Une société de transport roumaine est rachetée par Norbert Dentressangle - ce qui n'est pas illégal, sauf que sur 300 chauffeurs, les deux-tiers ont été détournés pour travailler en France", affirme Jacques*. Cette manipulation a été découverte en 2010 lorsque des policiers de la police aux frontières (PAF) ont contrôlé, à la frontière italienne, un mini-bus dans lequel voyagent plusieurs Roumains.

Dentressangle "divisait pas deux ou trois la masse salariale" :

D'après le policier, les chauffeurs routiers roumains "étaient acheminés pour des périodes de quatre à cinq semaines, au dépot de la Motte-Servolex, près de Chambéry". Ils prenaient alors en charge des camions stationnés en France mais immatriculés en Roumanie, précise l'enquêteur. "Et sous prétexte de transport international dans l'Union européenne, ils travaillaient directement pour Norbert Dentressangle en France", assure Jacques.

"Ils pouvaient travailler jusqu'à 56 heures par semaine

Une situation illégale puisque ces chauffeurs "travaillent pour Norbert Dentressangle et exclusivement en France. Or si vous travaillez en France vous devez être immatriculé à l'Urssaf, respecter le code du travail et ce n'était pas le cas", assure le policier. Selon lui, les conditions de travail des Roumains étaient déloyales. "On calculé que le taux horaire était de 1,44 euro net et qu'ils pouvaient travailler jusqu'à 56 heures par semaine. Or le code du travail français limite le temps de travail à 48 heures par semaine", détaille Jacques. Avec ce système, l'entreprise "divisait pas deux ou trois la masse salariale", assure-t-il.

Le transporteur routier aurait par ailleurs usé d'un autre dispositif illégal en France : la prime au kilomètre. "Ces chauffeurs routiers touchaient 10 centime de prime par kilomètre parcouru. Avec leur salaire roumain de 200 euros par mois, plus les primes au kilomètre, plus des primes pour l'alimentation, on faisait croire que ces chauffeurs gagnaient 1.500 à 1.700 euros par mois", explique encore Jacques, qui déplore que ce système encourage les chauffeurs à ne pas respecter le code de la route.

Selon le policier, cette entreprise n'est pas un cas isolé. "Mais ne mettons pas tous les transports routiers dans la même configuration", prévient-il.

* Le prénom a été changé.