Demanderjustice.com, vraie machine ou faux avocat ?

© MAXPPP
  • Copié
, modifié à
PROCÈS - Le créateur d'un site permettant de saisir certaines juridictions est jugé pour "exercice illégal de la profession d'avocat"

L'info. Saisir un juge de proximité ou le tribunal d'instance en trois clics et à peu de frais, c'est ce que proposent plusieurs sites internet. L'idée, selon leurs créateurs, est de permettre aux justiciables d'avoir accès à la justice plus facilement. Mais pour les avocats, ces services sont illégaux car ils s'apparentent à des consultations juridiques. Le tribunal correctionnel de Paris jugeait jeudi le créateur de demanderjustice.com, poursuivi pour "exercice illégal de la profession d'avocat". Le parquet a requis jeudi une amende de 4.000 euros pour exercice illégale du droit à l'encontre des responsables du site.

DES ALGORITHMES ?
Mais du côté des créateurs du site, on se défend d'avoir franchi la ligne jaune. Sur le site, qui revendique le traitement de "plusieurs dizaines de milliers de procédures en ligne" en 2012, on peut d'ailleurs lire : " Demanderjustice.com s’inscrit scrupuleusement dans les dispositions de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et notamment les prévisions de l'article 66-1. Demanderjustice.com ne fournit aucune consultation juridique ni aucun conseil à ses clients qui sont totalement autonomes dans la rédaction de leurs demandes et lors des audiences au tribunal." "Demander Justice ne remplace en aucun cas les fonctions d’un avocat et s’engage sur les points suivants : pas de consultation juridique, pas de conseil juridique, pas de rédaction d’actes, pas de représentation", martèle la page "à propos".

Me Jérémie Assous, l'avocat du créateur du site, assure à L'Express que "tout est pris en charge par des algorithmes". Selon lui, les employés qui ont une formation juridique ont pour tâche "d'alimenter une bibliothèque virtuelle, composée de textes de droit accessibles en ligne". Il met également en avant la charte de l'entreprise qui interdit aux salariés de donner des conseils.

Enfin, les créateurs du site mettent en avant un jugement rendu par un juge de proximité - justement le genre de juridiction qui peut être saisie via leur plateforme - qui le qualifie d'"intermédiaire technique dans la constitution matérielle et l'envoi du dossier au tribunal".

demander-justice

OU DES AVOCATS DÉGUISÉS ?
L'Ordre des avocats et le Conseil national des barreaux (CNB) se sont portés parties civiles dans ce dossier. Les avocats brandissent la loi du 31 décembre 1971 qui encadre les professions juridiques. Le texte prévoit notamment que "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties" et que "nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui".

Or d'après eux, le site demanderjustice.com dispense bien des conseils juridiques. Patrick Barret, du CNB, assure ainsi à avoir eu des témoignages de clients qui ont "bel et bien été conseillés". "D'ailleurs des personnes ayant fait des études de droit ont été embauchées", appuie-t-il.

Pour Jean-Marie Burguburu, le président du CNB, le site pose problème dès son origine. "Quand on prétend qu'il n'y a pas d'assistance au motif que c'est la machine qui oriente le client, c'est faux. Des personnes ont travaillé à l'élaboration d'un programme avant de le mettre sur le marché", dénonce-t-il auprès du Point. Patrick Barret, lui aussi membre du CNB, dénonce également le fonctionnement même du site. Lorsqu'on saisit la justice, "il faut savoir quoi demander et combien, quel est le délai de prescription, etc. (...) L'internaute est donc amené à utiliser la hot line du site et à demander conseil", dénonce-t-il.

Le tribunal rendra sa décision le 13 mars prochain.