Débattre à l'école, comment ça marche ?

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ZOOM - Le cas du mariage pour tous pose la question des débats dans les classes.

La question. Peut-on débattre du mariage pour tous à l'école ? Les élèves de collèges et lycées sont régulièrement invités à réfléchir en classe autour de sujets d'actualité et de société. Y compris, donc, sur le sujet brûlant du moment, malgré les invitations à la prudence de Vincent Peillon, le ministre de l'Education nationale. Alors comment les débats pourraient-ils organisés par les professeurs dans leurs classes, de manière générale et plus spécifiquement sur le mariage pour tous ?

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Dans les cours d'enseignement civique. Il est une matière qui permet d'aborder les sujets de société par les élèves et pour les élèves : l'enseignement civique, juridique et social (ECJS). "Ce n'est pas un cours", explique Maria Josefa Avila, professeur au lycée Jules-Verne de Cergy, dans le Val-d'Oise, à Europe1.fr. Ce sont les lycéens eux-mêmes qui "choisissent un sujet en rapport avec le programme, effectuent une petite recherche, trouvent des arguments pour et contre et les exposent à leurs camarades avant d'en débattre", précise-t-elle. Depuis six ans qu'elle officie, Maria Josefa Avila a presque tous les ans eu le droit "aux débats sur les couples homosexuels" avec ses élèves âgés de 16 à 18 ans. "A cet âge, ils sont en pleine quête d'identité sexuelle", souligne-t-elle.

Une différence de traitement selon l'âge. Le site de l'Education nationale explique seulement que ces cours d'ECJS doivent aborder "à travers des études concrètes, la question des règles collectives qui organisent la vie de tous en société et fondent l’État de droit", en ce qui concerne les lycéens.

Au collège, "les élèves s'initient à la complexité de la vie sociale (...) à partir de situations concrètes", souligne encore le site officiel. Mais si au lycée, on a affaire à "de jeunes adultes", le sujet du mariage pour tous serait plus délicat à traiter chez des collégiens âgés de 10 à 15 ans. "Je ne suis pas certain que ce genre de débat ait sa place dans nos classes", témoigne Dominique T., professeur de collège et BTS dans un établissement du Nord. "Nous avons autre chose à faire, et je ne pense pas être armé pour animer un tel débat, qui nécessite des arguments objectifs pour et contre".

En premier degré, du CP au CM2, il va de soi que la question est encore plus délicate. Hélène M., enseignante parisienne, n'a pas pensé une seconde leur parler de ce débat de société. "Ce n'est pas une préoccupation pour des enfants de leur âge", estime-t-elle. "Ces débats s'inscrivent dans un but pédagogique pour leur apprendre à réfléchir, organiser leurs idées et prendre la parole. Pour que cela soit abouti, il ne faut pas que le sujet soit trop lourd", précise-t-elle encore à Europe1.fr.

Privé et public pas au même niveau. Sur ce dossier, établissements publics et privés suivent les mêmes règles. A priori seulement. "Depuis la loi Debré de 1959, les établissements publics qui ont passé un contrat avec l'Etat s'engagent à en accepter les règles : avoir les mêmes programmes scolaires et accueillir tous les enfants, quelle que soit leur croyance", rappelle Bruno Lamour, secrétaire général de la Fep-CFDT.

Dans les faits, cependant, il en va autrement. "Il ne faut pas être naïf, l'école catholique n'est pas un lieu neutre", explique Bruno Lamour à Europe1.fr. "Il n'y a qu'à regarder comment certains enseignants sont recrutés, et comment ils sont contraints à faire du catéchèse, alors qu'il doit s'agir d'un acte personnel. Certains responsables diocésains très partisans n'ont d'ailleurs pas attendu les consignes pour diffuser leur thèse sur le mariage pour tous dans leur établissement", ajoute-t-il. A l'institut d'Agneaux, situé à Saint-Lô, des élèves de Terminale ont eu la surprise de recevoir un communiqué national émanant de l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre (Apel) rappelant son opposition au projet de loi sur le mariage gay, révèle Ouest France lundi. 

Le responsable Fep-CFDT précise qu'il se situe sur la même ligne que le ministre Vincent Peillon, qui a rappelé à l'école catholique son devoir de neutralité, via un courrier envoyé aux recteurs. "Dans beaucoup d'établissements catholiques, les conditions ne sont pas réunies pour un débat objectif avec des arguments contradictoires". En cas de "dérive", "l'affaire pourrait être remontée au recteur qui pourrait décider d'éventuelles sanctions".