Cinq questions sur l'assaut du Raid

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Europe1.fr résume les interrogations autour de l'opération menée contre Mohamed Merah.

L'heure est aux interrogations. L'opération du Raid qui a coûté la vie à Mohamed Merah, qui revendiquait les sept assassinats de Toulouse et Montauban, suscite plusieurs questions. Après un siège de 32 heures et une fusillade nourrie, certains experts, mais pas tous, n'hésitent pas à évoque "un échec".

Sur son blog, Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialisé dans les questions de défense à Marianne estime que "d'un point de vue purement technique, cette opération s'apparente à un échec". Même son de cloche du côté d'un ancien membre du Raid. Selon lui, le verdict de cette intervention est sans appel. "Ça a merdé", lâche-t-il sur le blog de Laurent Borredon, journaliste chargé des questions de sécurité au Monde. Europe1.fr donne la parole aux experts sur les différentes questions que suscite l'intervention du Raid.

Pourquoi l'opération a-t-elle duré si longtemps ? Le député Jean-Jacques Urvoas, spécialiste de la sécurité au PS, a amorcé la polémique en critiquant la longueur de l'intervention du Raid. "Le Raid n'est donc pas capable en 30 heures d'aller chercher un individu seul dans un appartement?" s'interroge-t-il sur Twitter, avant de faire machine arrière et de s'excuser. Trop tard. La question est lancée et de nombreux internautes reprennent le tweet du député.

La principale raison permettant d'expliquer la longueur de l'intervention repose sur la volonté de garder en vie Mohamed Merah. Le Raid avait en effet pour consigne de "tout faire pour l'interpeller vivant" et de ne "tirer qu'en légitime défense", a expliqué jeudi le procureur de Paris, François Molins.

Contrairement aux méthodes employées aux États-Unis, les forces d'interventions françaises privilégient la négociation. "En France, nous cherchons à épuiser le forcené, à le déconditionner mentalement, à le faire 'atterrir' peu à peu et cela peut prendre beaucoup de temps", abonde Christophe Caupenne, ancien négociateur au Raid, interrogé par FTVi.

Pourquoi la fusillade a duré si longtemps ? Les experts semblent unanimes : un assaut efficace s'apparente à un assaut rapide. Or, celui mené contre Mohamed Merah a duré plus de 5 minutes. Au total, près de 300 munitions ont été tirées par les hommes du Raid, pour que finalement, le suspect s'enfuie par la fenêtre située au rez-de-chaussée.

"Ce matin, quelque chose a donc mal tourné. En posture offensive, le RAID s'est retrouvé en posture défensive : en clair, il a perdu l'initiative et se retrouve en difficultés", critique Jean-Dominique Merchet. Selon le journaliste de Marianne, cette longue fusillade aurait pu être évitée si les membres du Raid avait placé des explosifs autour de l'appartement du tueur présumé. "La technique consiste à déposer, de manière dynamique, des charges soigneusement dosées au bon endroit, jusque avant l'assaut. C'est une technique complexe... que le RAID ne maîtrise peu ou mal  - ou en tout cas n'emploie pas", indique-t-il.

Pourquoi les policiers n'ont-ils pas recours à un gaz neutralisant ? "Même si Merah portait peut-être des bouchons anti-bruit et un casque, les grenades incapacitantes ou des gaz peuvent être employées", assure Jean-Dominique Merchet, journaliste à Marianne.

Mais cette solution ne semble pas si évidente aux yeux de tous les spécialistes. D'abord parce qu'elle soulève des questions d'ordre juridique. "La difficulté de ce genre de moyen, c'est que ce n'est jamais efficace à 100%. Si vous voulez utiliser à haute concentration des gaz, vous prenez le risque d'empoisonner l'individu et de générer sa mort. Ce qui est délicat sur un plan judiciaire, puisqu'il n'y a pas de légitime défense", précise Frédéric Gallois, un ex-commandant du GIGN, interrogé par Europe 1. "En France, c'est illégal. Il existe toute une jurisprudence à ce sujet et elle ne nous permet pas d'utiliser ce type d'arme, car en fait, c'en est bien une", confirme Christophe Caupenne, ancien négociateur au Raid.

Autre raison : les gaz peuvent avoir un effet quasi-nul sur la personne ciblée. "On sait que des individus extrêmement décidés et motivés, même si vous les gazés, ils sont capables de tenir", explique Frédéric Gallois. La situation risque alors de se retourner contre les hommes du Raid mobilisés sur place. "Eux-même sont subir l'effet du gaz, mais le forcené, dans son excitation totale, lui, ne va peut être pas se rendre compte qu'il est gazé", analyse ce spécialiste.

Pourquoi le suspect n'a-t-il pas été interpellé à la sortie de son appartement ? Le présumé suspect avait prévu de sortir de nouveau pour commettre d'autres attaques. Les membres du Raid auraient donc très bien pu l'interpeller à l'extérieur. Ils ont toutefois opté pour la stratégie de l'encerclement. Une interpellation en pleine rue comporte en effet de nombreux risques, "à savoir une possible fuite du suspect ou une fusillade qui aurait pu faire des victimes parmi les civils ou les policiers", fait remarquer Christophe Caupenne.

Pourquoi Mohamed Merah a-t-il été tué ? Le principal argument qui justifie la mort du suspect est celui de la légitime défense. Les policiers ont fait feu sur lui pour protéger les membres du Raid. Lors de l'assaut final, les policiers en progression ont essuyé une trentaine de coup de feu. Mohamed Merah, équipé d'un gilet pare-balles, est finalement atteint d'une balle dans la tête. La marque d'un tir "pour tuer", à la différence des tirs visant à "neutraliser", dans le genou par exemple.

Pour Me Christian Etelin, l'avocat de Mohamed Merah, la mort du tueur est "le résultat logique de la stratégie adoptée" par la police, "On l'a enfermé de plus en plus radicalement dans son autisme, dans sa coupure d'avec la réalité, rien n'a été fait pour l'aider à rétablir un lien, un dialogue", déplore l'avocat.