Chômage : gare à la radiation estivale

En juillet 2011, un mois après le lancement de la dématérialisation des courriers, le nombre de radiations avait littéralement explosé avec avec près de 48.000 personnes rayées des listes.
En juillet 2011, un mois après le lancement de la dématérialisation des courriers, le nombre de radiations avait littéralement explosé avec avec près de 48.000 personnes rayées des listes. © MAXPPP
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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
Les associations s'inquiètent car l'été est la période propice aux radiations du Pôle Emploi.

C'est la crainte de beaucoup de chômeurs : se retrouver, à son retour de vacances, sans indemnités. Redoutant une "campagne" de radiations estivales, des associations appellent les chômeurs à la vigilance, échaudées par le précédent de l'été 2011 où le nombre de radiations avait explosé. Le démenti de Pôle emploi, chiffres à l'appui, n'empêche pas le médiateur national de dénoncer des dysfonctionnements et d'estimer que cet opérateur de l'Etat est devenu "plus qu'une usine à gaz".

En juillet 2011, un mois après le lancement de la dématérialisation des courriers, le nombre de radiations avait littéralement explosé avec avec près de 48.000 personnes rayées des listes. Soit une une augmentation de 25,1% sur un mois et 7,2% sur un an, selon les chiffres de Pôle emploi.

"Les radiations ont baissé de 12% entre 2007 et 2011

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"Ce n'est pas parce que les radiations ont augmenté pendant un mois qu'il y a une politique secrète. Partir du principe que les conseillers n'ont qu'une seule idée en se levant : radier ! C'est faux", se défend Pôle emploi.

Les chiffres donnent en effet raison à l'opérateur public : au premier semestre 2012, 39.513 personnes ont été sanctionnées en moyenne chaque mois, moins qu'à la même période en 2011 (41.050). "Les radiations ont même baissé de 12% entre 2007 et 2011", insiste-t-on.

Un "espace personnel" virtuel

Evoquant une période de vacances "propice aux mauvais coups", notamment pour les chômeurs qui s'absentent, les associations sont pourtant sur leurs gardes, qualifiant la dématérialisation de "piège".

Leurs forums recensent des dizaines de témoignages de demandeurs d'emploi narrant peu ou prou la même histoire : quelques semaines après avoir communiqué leur e-mail, ils découvrent qu'ils ont été radiés, l'avertissement préalable ayant atterri via le site de Pôle emploi dans un "espace personnel" virtuel dont ils ignoraient l'existence.

Un quart des radiations "par erreur"

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"La dématérialisation a été catastrophique pour ceux qui ne maîtrisent pas l'informatique. Beaucoup se sont fait radier une, deux, parfois trois fois", confesse un conseiller Pôle emploi de région parisienne.

"Recours-radiation", un site Internet piloté par Rose-Marie Péchallat, a ainsi dénoncé fin juillet une campagne de "mailing", adressée à 30.000 demandeurs d'emploi en Rhône-Alpes, afin de les inciter à utiliser la correspondance électronique. Son site a reçu 40.000 visites en juillet, 30% de plus qu'un mois habituel. "Les conseillers sont prisonniers d'un système informatique qui les déresponsabilise", estime Rose-Marie Péchallat, laquelle accuse Pôle emploi de "multiplier les possibilités de perdre les demandeurs d'emploi en route".

"Il y a près de 500.000 radiations par an, dont un quart par erreur. Du coup, on devient un peu parano, on se dit que tout ce qui peut contribuer à soulager les chiffres est bon", renchérit Sophie Hancart, du site Actu chômage, qui a également tiré la sonnette d'alarme cet été.

"Usine à gaz"

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Jean-Louis Walter, le médiateur national, reçoit des contestations de plus en plus nombreuses. "J'ai en mémoire ce qui s'est passé l'été dernier, on veille pour essayer de comprendre le pourquoi de cette psychose", assure-t-il. Selon lui les erreurs sont dues aux "procédures automatisées". Pôle emploi est devenu "plus qu'une usine à gaz" où "des personnes trop nombreuses passent à la trappe", déplore-t-il.

Sur 40.000 radiés en moyenne chaque mois, environ 8.000 sont réinscrits dès le mois suivant. Un dysfonctionnement parmi d'autres, qui alimente encore la polémique récurrente sur la qualité des statistiques françaises du chômage.