Chez Super U, le garçon joue à la poupée

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Sophie Amsili , modifié à
Un catalogue montre des filles et garçons s'amusant avec les mêmes jouets. A contre-courant.

Une petite fille qui observe intensément le bond de sa voiture téléguidée, un garçon qui joue à la dînette… le catalogue de jouets de Noël de l'enseigne Super U innove cette année. Plusieurs visuels montrent ainsi des enfants s'amusant avec des jouets traditionnellement réservés à l'autre genre. A l'origine de cette initiative, des demandes de clients, par courrier ou en magasins, de présenter des jouets moins stéréotypés. "Et puis il y a la volonté de l'enseigne d'être en accord avec la société qui nous entoure", souligne un porte-parole du groupe.

"Ni provocateur ni militant"

Super U, enseigne avant-gardiste revendiquée ? "Nous n'avons pas fait cela pour être provocateur ni militant. Il faut tenir compte d'une réalité : les enfants entre 3 et 5 ans n'utilisent pas uniquement les jouets prévus pour leur genre." Et puis, Super U ne fait pas non plus la révolution : le sommaire du catalogue compte toujours deux parties "filles" et "garçons", que les clients retrouveront dans les rayons des magasins." L'objectif n'est pas de tout remettre en cause, il faut que les parents s'y retrouvent", justifie le porte-parole.

Du côté des parents, justement, les jouets "dégenrés" ne dérangent pas tant que ça. L'enseigne se félicite de retours positifs et constate que l'appel de sites catholiques intégristes à se plaindre n'a pas été suivi : "notre service consommateurs a peut-être reçu un ou deux appels, mais c'est anecdotique, ce qui prouve que notre proposition est loin d'être exorbitante."

16.11 catalogue jouet super u

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"En se démocratisant, les jouets se sont sexués"

Le jouet deviendrait-il de moins en moins sexué ? Au contraire, répond Anne Dafflon Novelle, docteur en psychologie sociale qui rappelle que les poupées étaient auparavant destinées aussi bien aux filles qu'aux garçons. "En se démocratisant, les jouets se sont sexués", souligne-elle, identifiant en premier lieu un objectif commercial : "la société de consommation a fait que, pour vendre plus, il faut segmenter. Par exemple, un petit garçon ne voudra pas utiliser le vélo rose de sa grande sœur. Il faudra lui en acheter un autre".

Les préjugés ont également la vie dure : "ce qui est associé au féminin continue d'avoir une moindre valeur social, constate Anne Dafflon Novelle. Et puis il y a la peur de l'homosexualité : on imagine, à tort, que la construction de l'identité sexuée pendant l'enfance a un impact sur l'orientation sexuelle à l'adolescence. Or, elles n'ont rien à voir," insiste-t-elle.

"Ouvrir les possibles du genre"

Problème : "filles et garçons n'ont pas les mêmes compétences aux mêmes âges, note Anne Dafflon Novelle. Et ceci vient du fait qu'ils n'ont pas les mêmes activités. Les garçons vont par exemple développer des compétences spatiales tandis que les filles joueront à des jeux qui nécessitent de la coopération et qui favorisent les compétences verbales."

"Pour ouvrir les possibles du genre, pour permettre à l'enfant de développer un plus grand éventail de compétences, il serait profitable de lui fournir une plus grande palette de jeux",  juge Anne Dafflon Novelle. Bien sûr, elle doute qu'un seul catalogue dégenré puisse avoir un impact. Mais Super U parie, quant à lui, qu'il sera imité par d'autres distributeurs dès l'année prochaine.