Bac de philo : le debrief des sujets en S

Europe1.fr a demandé à plusieurs profs de philo de donner les "clés" de chaque sujet.
Europe1.fr a demandé à plusieurs profs de philo de donner les "clés" de chaque sujet. © MAX PPP
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MODE D’EMPLOI - Europe1.fr a demandé à plusieurs profs de philo de donner les "clés" de chaque sujet.

Eve S, Geoffroy Lauvau et Damien Theillier, professeurs de philosophie, ont accepté de "plancher" pour Europe1.fr sur les deux sujets proposés pour l’épreuve du baccalauréat en série S.

>> Retrouvez le debrief de la série L, en cliquant ici.

>> Retrouvez le débrief de la série ES, en cliquant ici.

Avons-nous le devoir de chercher la vérité ?

Le débrief de Damien Theillier, prof de philo aux lycées Saint-Louis de Gonzague et Stanislas à Paris, auteur du site cours-de-philosophie.fr

Le hors-sujet à éviter : Il ne s’agissait surtout pas de parler de mensonge,avec des questions comme : peut-on mentir, a-t-on le droit de mentir ?  Le sujet traite ici en fait de la recherche de la vérité, c’est-à-dire la quête du savoir, de la science.

L’auteur à côté duquel il ne fallait pas passer : Nietzsche. C’est lui qui conteste l’idée classique de Socrate et Platon que chercher la vérité est un devoir.

Les notions incontournables : La question du respect de soi et des autres. Raison et liberté : si on cherche la vérité, c’est qu’on est un être de raison et que la vérité est source de liberté. La liberté renforce notre dignité humaine. Droit et devoir : la recherche de la vérité n’est pas seulement un devoir, c’est aussi un droit. Et c’est à l’Etat de garantir ce droit naturel et le faire respecter.

La référence d’actualité qui fonctionnait bien : Je conseille à mes élèves de ne pas parler d’actualité. C’est trop récent, trop polémique. Et ça peut donner l’impression au correcteur que l’élève a passé plus de temps devant la télé qu’à lire les philosophes. Donc moins il y a de références d’actu, mieux c’est.

Le point bonus : Je le donne à une copie qui fait le lien entre droit et devoir. Chercher la vérité est un devoir mais surtout un droit. Il n’y a pas simplement une dimension morale, mais aussi une dimension politique (pas de censure, pas de menace). Ca élève la discussion et peu de candidats seront capables de le faire.

Le débrief de Eve S., prof de philo 

Le hors-sujet à éviter :  Ce sujet - assez difficile - met en regard deux notions qui sont a priori étrangères l'une à l'autre, celle de vérité, et celle d'obligation morale : le devoir. Il demande d'établir une réflexion qui permet de rendre compte de la relation que la Vérité entretient avec celle d'obligation. Le hors-sujet qu'il fallait donc éviter à tout prix est un développement centré sur les notions de loi morale ou d'impératif catégorique (qui pourront être évoquées sans faire l'objet d'une partie isolée sans relation avec la Vérité).

L’auteur à côté duquel il ne fallait pas passer : Ils sont multiples et on pourrait dire que dans ce cas précis il n'y a pas d'incontournables mais bien d'avantage une manière d’argumenter à propos des auteurs cités qui fera la valeur et la pertinence des références utilisées. Cependant le couple Platon-Nietzsche peut être une alternative assez "classique" sur la question, en rappelant que ce sujet est d'emblée plus ouvert et invite donc davantage à l'invention et à la créativité.

Les notions incontournables : Les notions essentielles sont celles d'obligation, de Bien universel ou Bien en soi, et d'authenticité au regard de l’intérêt (pragmatisme, utilitarisme).

La référence d’actualité qui fonctionnait bien : La référence "d’actualité" qui semble résonner très fort, mais ce depuis le début du 20ème siècle, est celle de la question de la Vérité que l'on cherche à établir sur soi-même. C'est ce que Freud puis Lacan nous ont proposé de découvrir avec la mise en place de la psychanalyse. Cette vérité qu'il serait un devoir de chercher pour tout celui qui se trouve sous l'emprise excessive et maladive de son Inconscient.

Le point bonus : Un développement consacré à la Religion : aux vérités démonstratives ou non qu'elle énonce, aux principes de foi rationnels ou irrationnels qu'elle pose comme guides pratiques (moraux).

Serions-nous plus libres sans État ?

Le débrief de Eve S., prof de philo

Le hors-sujet à éviter : La question est celle de la liberté politique, celle qui correspond à mon champ de mouvement et d'action relativement à ceux qui vivent avec moi dans mon pays. Il ne fallait donc pas parler de la question du libre-arbitre (ou liberté morale), qui ne peut avoir une place que très relative dans ce sujet. L'accent est donc à mettre sur la liberté au sens politique, plus que sur la liberté au sens psychologique.

L’auteur à côté duquel il ne fallait pas passer : On ne pourra passer à coté de Rousseau qui explique comment sortir de l’État de nature tout en conservant toute sa liberté par le biais du Contrat Social. On pourra bien sûr citer Marx, qui dans une vision utopiste prône la fin de l’État au nom du fait qu'il est au service de la classe dirigeante, ou à l'inverse Hegel qui place l’obéissance à l’État comme le plus haut degré de ma liberté.

Les notions incontournables : Les concepts qui permettent de rationaliser cette question sont  "l’état de nature" et "état social", que l'on pourra éventuellement décliner en "anarchie" et "institutions politiques", en rappelant que l’État est une création artificielle des hommes; ce monstre à la fois protecteur et dominateur. Les trois notions essentielles sont donc celles d’état de nature, de contrat et de droit (de loi).

La référence d’actualité qui fonctionnait bien : Cette discussion qui porte sur l'intervention de l’État, dans la gestion de la vie économique notamment, donne à la question posée une actualité brûlante.

Le point bonus : Le point bonus qui relève ce sujet, le rendant à la fois plus pertinent et plus actuel, est à la discussion sur le rôle de l’État une fois qu'il est institué: État Libéral (tel que le défendent Smith ou Constant) ou l’État Providence (tel que nous l'a proposé Keynes).

Le debrief de Geoffroy Lauvau, agrégé de philosophie et ATER à l'université Paris IV.

Le hors-sujet à éviter : Pour ce sujet, l'écueil était de confondre État et gouvernement, c'est-à-dire de réduire le système institutionnel encadrant la société au pouvoir exécutif en charge de pratiquer des choix politiques particuliers. Confondre les deux revient à faire de l'Etat un acteur particulier de la politique, faisant des choix de valeurs et de politique, alors que l'Etat est plutôt le produit d'une rationalité juridique fondamentale donnant fondement à tous les pouvoirs.

L’auteur à côté duquel il ne fallait pas passer : Deux types d'auteurs seraient particulièrement recommandés : les partisans de l'autonomie radicale du marché, comme Hayek pour qui les intérêts particuliers s'harmonisent spontanément (catallaxie) ; et les anarchistes, comme Bakounine, pour qui l'Etat impose un ordre contraire à la nature de la liberté humaine.

Les notions incontournables : D'abord, il fallait évoquer la notion de loi qui est l'expression de la loi. L'État légitime la loi qui est adoptée par un gouvernement. La loi est perfectible mais essaye de servir l'intérêt général. La deuxième notion est celle de la sécurité. Une société d'Hommes ne peut pas se débrouiller sans État. Comme l'ont théorisé Hegel ou Hobes, la fonction première de l'État est la sécurité. La troisième notion est celle de la liberté naturelle qui se différencie de la liberté individuelle. Un État est censé se fonder sur la liberté naturelle pour permettre la liberté civile des individus.

La référence d’actu qui fonctionnait bien : Le printemps arabe, puisque les épisodes révolutionnaires sont justement des moments de l'histoire où un peuple se libère de l'Etat en le détruisant.

Le point bonus : Être capable d'évoquer les socialistes du XIXe siècle, comme Proudhon ou Blanqui, qui ont cherché à penser des modèles politiques dans lesquels la liberté n'est pas créée par l'Etat.