Bac : ces prénoms à mention

Un sociologue a étudié le lien entre le prénom des candidats au bac et la mention qu'ils ont obtenue.
Un sociologue a étudié le lien entre le prénom des candidats au bac et la mention qu'ils ont obtenue. © Max PPP
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Un sociologue a étudié le lien entre le prénom des candidats au bac et la mention qu'ils ont obtenue.

C'est un classement qui dit en dit long sur les inégalités sociales que produit le système éducatif à la française. Côme ou Kevin ? Ariane ou Melissa ? Y a-t-il un lien entre le prénom d'un élève et sa réussite au baccalauréat ? Le sociologue Baptiste Coulmont, auteur de Sociologie des prénoms, a étudié les résultats des candidats au bac 2012 en fonction de leur prénom. Résultat : une Madeleine ou une Ariane sur quatre a obtenu une mention Très bien, tandis qu'aucun Youssef n'a obtenu cette mention. 

Baptiste Coulmont a ainsi classé les résultats de 350.000 élèves, sur les 580.000 qui ont passé les épreuves des bacs général et techniques en juin. Il faut obtenir une moyenne égale ou supérieure à 16/20 pour avoir la mention Très bien. Mais le sociologue s'est penché plus particulièrement sur les résultats en fonction de chaque prénom.

Seulement 3% des Madeleine au rattrapage

Un quart des lycéens prénommés Madeleine, Irène, Ariane et Côme ont ainsi obtenu la prestigieuse mention, selon Baptiste Coulmont. La proportion est d'un sur cinq pour les Marie-Anne, Anne-Claire et Gaspard. Peu d'entre eux ont d'ailleurs été convoqués au rattrapage : seulement 3% des Madeleine ont dû passer les oraux.

A l'inverse, aucun des 125 Youssef et 105 Nabil qui passaient le bac cette année n’ont obtenu de mention Très bien, note Baptiste Coulmont. Et 30% d'entre eux ont dû passer les oraux de rattrapage, tout comme les Yacine et les Linda.

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© DR/Baptiste Coulmont

"Le niveau de diplôme des parents a une influence indirecte"

Mais, explique Baptiste Coulmont, ce n'est évidemment pas le prénom de l'élève en lui-même qui a une incidence sur le résultat au bac. "Des parents qui n’ont pas le même niveau de diplôme ne choisiront pas les mêmes prénoms. Et c’est le niveau de diplôme des parents qui a une influence indirecte, mais visible, sur la réussite scolaire des enfants". Pas de déterminisme non plus entre prénom et capacités intellectuelles: "si les enfants de professeurs, d'instituteurs et de médecins s'appelaient Potiron et Potironne, alors Potiron et Potironne recevraient beaucoup de mentions", souligne-t-il.Si relation il y a, elle est indirecte et intimement liée au milieu des parents. Le sociologue tient compte de l'origine sociale et non ethnique des parents.

En l'occurrence, Madeleine, Côme et Irène reflèteraient donc majoritairement des prénoms en vogue chez les classes supérieures et les cadres voici environ 18 ans.De leur côté, les ouvriers et employés ont depuis une trentaine d'années tendance à préférer des prénoms aux consonnances "anglo-saxonnes" ou reflétant leurs éventuelles origines étrangères

Par ailleurs, le sociologue note que pour les prénoms très répandus dans les années 1994-1995 (années de naissance des élèves qui ont passé le bac cette année), comme Camille, Marie ou Nicolas, "ont une proportion “moyenne” de mentions TB, entre 6 et 7%" - "Kevin mis à part", précise Baptiste Coulmont.

La "théorie du Vortex"

L'an dernier, Baptiste Coulmont avait poussé son étude avec la "théorie du Vortex". Selon lui, les prénoms naissent "dans des milieux artistes (les professions des arts et du spectacle), qui sont certes très innovants, mais qui n’idolâtrent pas les diplômes". Les enfants obtiennent donc peu de mentions.

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© DR/Baptiste Coulmont

Puis, ils sont repris "par des groupes plus enclins à maximiser les profits de l’investissement scolaire" : le taux de mention augmente alors. Ensuite, ces prénoms sont reconnus, ils "entrent dans les classes moyennes ou les professions" et "la pression à la mention diminue". Pour finir, les prénoms deviennent de moins en moins fréquents : "ils sont adoptés par des groupes exclus de la répartition des profits scolaires", et obtiennent peu de mentions. Les prénoms à mention de cette année ne seront donc pas forcément les mêmes que ceux de l'an prochain.

Donc attention, si vous appelez aujourd'hui votre fille "Madeleine", elle n'obtiendra pas, dans 18 ou 19 ans, une mention "très bien" avec des chances égales aux Madeleine qui avaient 18 ans en 2012, insiste-t-il.Car selon le chercheur, "le monde des prénoms évolue chaque année" et la Madeleine d'aujourd'hui n'est pas celle d'avant-hier.