Appel de l'Abbé Pierre : "on mettait l'argent dans les baignoires"

En 1954, l'Abbé Pierre était un inconnu.
En 1954, l'Abbé Pierre était un inconnu.
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Damien Brunon et Sandrine Prioul
TEMOIGNAGE - Il y a cinquante ans, Daniel Atlan était le groom de l’hôtel dans lequel des milliers de personnes sont venus donner de l’argent.

L’INFO. C’est le premier appel au don de l’histoire française contemporaine. Le 1er février 1954, à la radio, un inconnu lance un cri de désespoir. “Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée”, s’écrie l’Abbé Pierre. Dans un message qui restera dans l’histoire, l’ecclésiastique demande aux Français d’aider les pauvres en déposant leurs dons à l’hôtel Rochester, rue de la Boétie à Paris. A l’époque, Daniel Atlan était le groom de l’hôtel, il a vu défiler environ 20.000 personnes en quelques jours venus pour la bonne cause.

Des couvertures et des tentes. En 1954, l’Abbé Pierre ne demande pourtant pas d’argent. Dans son appel, il réclame surtout du matériel pour éviter que le froid polaire de l’hiver ne tue plus de personnes. Cette année-là, on enregistre -25° à Luxeuil-les-bains, -21° à Mulhouse et -13° à Paris.

“L’Abbé Pierre a été révolté par cette situation, il a fait un appel qui prenait aux tripes. Il disait : ‘les gens dorment dehors, aidez-nous’”, se rappelle Daniel Atlan. A l’époque, celui qui avait été embauché en temps que garçon d’hôtel de cette adresse huppée du centre de Paris est bouleversé par la générosité “extraordinaire” des donateurs.

L’argent dans les baignoires. “Les gens demandaient où mettre l’argent, alors on leur montrait des corbeilles, se souvient-il. Quand les corbeilles étaient pleines, on les montait dans les chambres à l’étage et on mettait l’argent dans les baignoires qui étaient remplies par ces billets”.

Une somme astronomique d’argent est récoltée. A l’étage, cinq baignoires sont remplies rapidement. “On était dans un hôtel, il n’y avait pas de coffre-fort, on ne savait pas ou le mettre. Il n’y avait pas d’arrière-pensée sur cet argent à l’époque”, s’amuse-t-il.

Un souvenir lointain. C’était l’après-guerre, personne n’était très riche, pourtant un élan de générosité se met en place. Et selon Daniel Atlan, c’est en grande partie dû à l’engagement de l’Abbé Pierre. “Le mystère de l’Abbé Pierre c’est que cet élan de générosité était exceptionnel à l’époque. C’était la première fois qu’une demande de don était faite. A l’époque, ça n’existait pas”, confirme-t-il.

Un souvenir fort pour l’une des rares personnes vivantes ayant assisté à cet évènement de près. “Ce qu’il faudrait, c’est qu’aujourd’hui, il y ait un autre Abbé Pierre qui sorte”, conclut-il.

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