Saint Cyr : "c'est du bizutage"

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et Ariane Lavrilleux , modifié à
Selon des spécialistes, la mort de l'élève-officier est liée à un manque d'encadrement de la soirée.

Le bizutage a-t-il dérapé dans la prestigieuse école militaire de Saint Cyr ? La question se pose après la mort d'un élève-officier dans la nuit de lundi à mardi, à Coëtquidan, dans le Morbihan. En tant que nouvel arrivant, Jallal Hami participait lundi à une soirée d'intégration, dont le programme avait été validé par les autorités militaires.

"Personne ne l'a vu se noyer"

"Sur la base du volontariat", une douzaine d'élèves ont participé à une épreuve physique : la traversée d'un étang éclairé par des projecteurs sur environ 50 mètres. Mais après une coupure de courant de "quelques minutes", le sous-lieutenant a disparu, jusqu'à ce que son corps noyé soit retrouvé. L'épreuve, organisée et encadrée uniquement par des élèves de seconde année, n'était pas un exercice classique d'entrainement.

Thierry Phelippeau, le procureur de Vannes privilégie toutefois la thèse de l'accident. "Il s'agissait d'une activité spécifique de formation des élèves de première année aux valeurs et traditions de l'école. Le thème de l'exercice, c'était la seconde guerre mondiale", précise-t-il.  Selon les premiers témoignages recueillis par les enquêteurs "personne ne l'a vu se noyer". "Les premiers éléments excluent toute autre hypothèse qu'une noyade accidentelle", insiste le procureur.

Une activité inadaptée pour les nouveaux arrivés

Mais pour le président de l'association de défense des droits des militaires, Jacques Bessy, l'école a fermé les yeux sur ces semaines d'intégration, qui s'apparentent à des semaines de bizutage. "Pour nous, c'est du bizutage. A Saint Cyr, ça s'appelle du bahutage, organisé ou couvert par la hiérarchie des écoles de Coëtquidan", déplore-t-il au micro d'Europe 1.

ECOLE SAINT CYR

Ce dernier précise que les conditions de réalisation de cette activité étaient inadaptées à des élèves de première année. "Quand on traverse une pièce d'eau, à la nage, en treillis, en rangers, de nuit, pour moi, c'est un entrainement commando.  Et un entrainement commando quelques mois après l'intégration à l'école de Saint Cyr, ça me parait vraiment prématuré", commente-t-il.

Jean-Marc Tanguy, journaliste rédacteur en chef de Raids aviation et spécialiste de l'armée abonde : cette épreuve n'était pas suffisamment sécurisée. Les élèves militaires ont par ailleurs traversé l'étang en tenue de combat. "Ce qui veut dire qu'ils ont un équipement lourd, des rangers, mais aussi normalement un sac, dont on ne connait pas le poids, mais qui a pu entraîner le jeune vers le fond", précise-t-il au micro d'Europe 1.

L'avocate de la famille de Jallal Hami va également dans ce sens. Selon elle, il s'agirait plutôt d'un problème de "suivi des règles de sécurité et d'encadrement".Les camarades de l'élève-officier ont par ailleurs mis près d'une heure pour s'apercevoir de sa disparition, a indiqué l'avocate de la famille de la victime.

Deux morts en 2004

Le président de l'association de défense des droits des militaires rappelle par ailleurs que ce n'est pas la première fois que l'école de Saint Cyr est inquiétée pour ces journées d'intégration suspectes. "En 2004, il y avait eu deux élèves de Saint Cyr qui étaient morts de froid lors d'une traversée hasardeuses dans les Alpes. Aujourd'hui, un autre officier qui décède de noyade, dans des circonstances pas très claires", déplore-t-il.

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Jacques Bessy demande ainsi que l'école militaire prenne ses responsabilités dans ce drame. "Il faut qu'il y ait des gens qui assument cette mort. Dès l'instant où ces activités mettent en cause l'intégrité physique ou morale, elles doivent être formellement interdites et ceux qui les organisent doivent être punis", estime le militaire.

Les règles de sécurité de base ont-elles été respectées ? Y-avait-il des gilets de sauvetage et des équipes de sauvetage sur place ? La direction de l'école était-elle au courant de cette virée nocturne ? Et surtout, était-ce un bizutage?

Pour répondre à toutes ces interrogations, le Ministre de la Défense a réclamé une enquête interne à l'armée, en plus de l'enquête judiciaire ouverte par le parquet de Vannes. De son côté, la famille de l'élève-officier de Saint-Cyr demande l'ouverture d'une enquête pour homicide involontaire, croit savoir Le Parisien.