Plassat, l'homme fort de Carrefour

© REUTERS/Charles Platiau
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PORTRAIT - Le nouveau PDG a dévoilé un plan de redressement qui semble séduire. L'homme aussi.

"Je veux que la confiance en l'avenir de Carrefour se diffuse." De la confiance, Georges Plassat en a en rayon. Et il n'hésite pas à le montrer aux journalistes, venus l'interroger jeudi sur son plan de redressement du deuxième distributeur mondial, dont il est le PDG depuis trois mois. "Je sais que ce plan vous déçoit intellectuellement. Mais je vous l'assure: Carrefour va se remettre en marche", a commenté le nouveau boss, d'un ton sérieux mais détendu, presque désinvolte.

Suppressions de postes, baisse des prix, développement des produits frais, resserrement des marchés…  Le Vauclusien de 63 ans a présenté sa stratégie pour faire rebondir un groupe aux résultats en chute libre depuis des années.

Et il a su parler aux marchés. À peine ses paroles prononcées, le titre s'envolait, gagnant jusqu'à 11% vers 15h30. Les décideurs de la finance saluent ainsi les mesures et les résultats du groupe moins décevant que prévu, mais marquent aussi leur confiance en l'homme. Europe.fr vous dresse le portrait du dernier joker de  Carrefour.

"Méthodes expéditives et bon sens d’épicier"

Proches et professionnels dressent de lui le tableau d'un patron hors pair. "C'est un distributeur accompli, qui a aussi montré qu'il avait du flair", souligne ici un dirigeant d'une banque française. "C'est plutôt quelqu'un d'atypique et d'extrêmement volontaire", ajoute là un de ces anciens collaborateurs.

"Avec son énergie et sa rapidité, c'est avant tout un capitaine de gros temps", renchérit dans l'Express un ancien lieutenant. "C'est l'une des plus belles intelligences que j'ai jamais vu", conclut Antoine Guichard, ancien président du Conseil de surveillance de Casino, interrogé par Challenges.  

Georges Plassat part pourtant d'une contrée lointaine de la grande distribution. Diplômé de l'école hôtelière de Lausanne et passé par l'université de Cornell, aux États-Unis, il débute dans l'hôtellerie, chez Hilton, puis rejoint la société de restauration collective Eurest.

Ce fils d'ingénieur entre chez Casino en 1983, à 34 ans, au sein de la direction marketing de la cafétéria. Il gravira les échelons de la section restauration jusqu'à devenir directeur général du groupe en 1990.

En tout, il reste 14 ans chez Casino. Le temps de doubler le chiffre d'affaires du groupe. Méticuleux, il va jusqu'à convoquer un jour son équipe de direction dans son bureau pour qu'ils se rasent et testent une mousse boudée par les consommateurs.

Mais son coup de maître reste le groupe André, spécialiste de la distribution de chaussures (André, Minelli) et de vêtements (La Halle aux vêtements, Kookaï, Caroll, Naf-Naf). "Avec ses méthodes expéditives et son bon sens d’épicier, Georges Plassat remet au carré les enseignes du groupe rebaptisé Vivarte. Cette renaissance conforte sa réputation de redresseur et lui assure une petite fortune de quelques dizaines de millions d’euros en tant qu'actionnaire", écrit dans Le Monde, en mars 2012, Stéphane Lauer, l'éditorialiste et auteur du blog Pertes et Profits.

La "légèreté du boxeur"

La confiance semble son trait de caractère principal. "On l’imagine grave, inquiet, habité par la difficulté de la tâche qui l’attend : redresser le paquebot Carrefour. Mais, à quelques jours de prendre la barre, Georges Plassat a l’œil pétillant et le verbe alerte. Il a cette légèreté du boxeur qui sait qu’il va pouvoir enfin en découdre", écrivait de lui Stéphane Lauer avant que Plassat ne prenne les rennes du distributeur.

Mais cette confiance va lui jouer des tours. En 1997, c'est elle qui lui coûte sa place à Casino. Il est débarqué par Jean-Charles Naouri, actionnaire principale du groupe. À l'époque, ce dernier refusait de donner à Georges Plassat son feu vert pour une fusion entre Casino et un concurrent. Mais Plassat n'en démordait pas, et annonçait dans tous les journaux que la fusion allait se faire. "Quand il avait Jean-Charles Naouri au téléphone, on se demandait qui était le patron de qui", se souvient un ex-collaborateur.

Parfois, sa confiance va jusqu'à aveugler son fameux flair. Un jour, un patron de start-up se présente à lui pour travailler avec Vivarte. "Je ne vois pas ce qu'on peut faire avec ce beatnik", lui aurait-t-il répondu, selon Le Monde. Mauvais pari : le "beatnik" n'était autre que Jacques-Antoine Gardon, patron de Vente-privée.com, aujourd'hui au chiffre d'affaires d'un milliard d'euros.

"Je travaille à la Kalachnikov"

Certains regretteront également d'avoir croisé la route d'un homme décrit comme "autoritaire", parfois même "dur". "Pour me reconstruire, j'ai mis un an. Plassat m'a abîmé", témoigne un ancien de Vivarte. "Il peut avoir des mots très durs avec ses troupes quand les résultats ne sont pas au rendez-vous", renchérit Michel Peyraga, secrétaire général CFTC de Vivarte. "Moi, je travaille à la Kalachnikov", confiait Georges Plassat, lui-même, à ses cadres. Son équipe à Carrefour est prévenue, le patron sait montrer qui il est.

Mais son autorité donne aussi des résultats. Georges Plassat sait donner envie de s'atteler à la tâche, rapportent beaucoup de ses ex-collègues. "Il sait entraîner les équipes, car il a une vraie vision stratégique", témoigne-t-on chez Vivarte.

"Il est exigeant mais juste. Il m’a notamment appris que c’est à travers les détails que l’on découvre une entreprise", se rappelle Eric Brousse, PDG du négoce rhodanien Gabriel Meffre, embauché en 1985 par Georges Plassat comme acheteur dans la division restauration du groupe Casino. "Une chose est sûre, il a cette capacité à entraîner les équipes avec lui", poursuit-t-il, interrogé par le site Rayon-boissons.

Un autre collaborateur, cité par Le Monde, va même plus loin, lui prêtant presque des pouvoirs surnaturels. "Il a beau être odieux, insultant, caractériel, ceux qui ne sont pas virés deviennent addicts, comme hypnotisés. Il a une capacité fascinante à révéler chez les gens leur part de masochisme".