Petroplus : qu'est-ce qui cloche ?

Le tribunal de commerce de Rouen a prononcé mardi la liquidation de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne (Seine-Maritime) tout en accordant un délai jusqu'au 5 novembre pour trouver un repreneur
Le tribunal de commerce de Rouen a prononcé mardi la liquidation de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne (Seine-Maritime) tout en accordant un délai jusqu'au 5 novembre pour trouver un repreneur © REUTERS
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La raffinerie de Petit-Couronne est en liquidation judiciaire. Chronique d'une mort annoncée.

La raffinerie Petroplus de Petit-Couronne bénéficie d'un énième délai, mais ce sera à coup sûr le dernier. C'est en substance le sens de la décision du tribunal de commerce de Rouen, qui s'est prononcé mardi. La juridiction a placé le site de Seine-Maritime, en Haute Normandie, en liquidation judiciaire, ont annoncé les syndicats à la mi-journée. Les juges ont toutefois décidé la poursuite de l'activité avec possibilité de dépôt de nouvelles offres jusqu'au 5 novembre.

Le tribunal s'était donné, le 1er octobre, un délai supplémentaire pour étudier les deux offres de reprises du site et de ses 550 employés, déposées par les sociétés Alanfandi Petroleum Group (APG) et Net Oil. Aucune d'entre elles n'a été retenue, au désarroi des syndicats qui voient s'approcher la fin de la raffinerie à grands pas. "On va nous tuer, s'est insurgé Yvon Scornet, porte-parole de l'intersyndicale. C'est anomal, injuste." "Il y a des repreneurs potentiels mais je vois mal une solution d'ici au 5 novembre", a poursuivi Yvon Scornet. "On a été lâchés, même du côté du procureur. Il n'y a plus rien", a-t-il déploré. Comment en est-on arrivé là ? Explication en trois points.

• Un espoir qui a fait long feu. En redressement judiciaire depuis le 25 janvier, la raffinerie de Petit-Couronne a redémarré sa production à la mi-juin, après la signature d'un contrat temporaire d'une durée maximale de six mois avec le groupe Shell, son ancien propriétaire. Pour la première fois depuis des semaines, "les voyants sont au vert", s'était même félicité récemment  l'intersyndicale (CGT-CFDT-CFE-CGC). Le porte-parole Yvon Scornet, abattu aujourd'hui, déclarait encore fin juillet "je suis soulagé. On est vivants. On continue. La liquidation aurait été une trahison."

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© REUTERS/Charles Platiau

• Deux repreneurs trop flous. Mais le contrat avec Shell a pris fin. "Or les deux repreneurs intéressés, Alafandi Petroleum Group (APG) et NetOil, peu connus dans le cercle fermé des pétroliers, ont peiné à prouver leur crédibilité", explique le quotidien local Paris-Normandie. Tous les deux s'étaient engagés à maintenir les 550 emplois que compte cette raffinerie. Mais la préférence des syndicats allait à NetOil, qui s'était engagé à investir 2,5 milliards sur la raffinerie. Le tribunal a toutefois jugé trop floues les modalités de reprises avancées par les deux groupes.

"Ces groupes restent des acteurs de troisième zone du monde pétrolier, dont la crédibilité reste à démontrer", écrivait, en août, le journaliste spécialisé Denis Cosnard dans un article du Monde. Le groupe APG, basé à Hong Kong est, pour sa part, accusé de ne pas jouer la transparence. Impossible de savoir l'étendue de ses actifs et l'état de ses comptes selon le journaliste. "A l'inverse, Roger Tamraz, l'homme fort de NetOil, serait, plutôt... trop connu. Il traîne une odeur de soufre. Son nom a été cité dans plusieurs scandales bancaires et boursiers", détaille Denis Cosnard.

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© Jacky Naegelen / Reuters

• Un secteur condamné? Une douzaine de raffineries ont fermé leurs portes en France depuis 1975. Il n'en reste plus que 10. La capacité de production a plongé de 18% entre 2007 et 2012, de 100 à 82 millions de tonnes. Elle passerait à 70 millions de tonnes si Petroplus et LyondellBassell, en arrêt "provisoire" à Berre, fermaient, avance La Tribune. Les raffineries "sont en surcapacité de production, et n'ont pas de débouchés suffisants" en raison d'une "demande très peu soutenue", expliquait récemment Jean-Louis Schilansky président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip). Selon lui, les raffineurs n'ont pas su s'adapter aux changements de la demande. Ils ont souffert de la montée en puissance du parc nucléaire français. Celle-ci a en effet entraîné une baisse de la demande de fioul lourd, qui servait jusqu'alors à faire fonctionner les centrales électriques.

De plus, les raffineurs ont investi, dans les années 70 et 80, dans des unités de production d'essence, qui était alors le carburant le plus consommé en France. Mais ils ont été surpris par l'explosion de la demande de gazole. La vente de gazole représente actuellement 75% des ventes de carburant en France. Les automobilistes en consomment 33 millions de tonnes, mais la capacité de production française ne s'élève qu'à 20 millions.