Les "canards boiteux" répondent à Jouyet

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Sophie Amsili avec agences , modifié à
Les réactions fusent après que le président de la future BPI a critiqué le site de Florange.

Les critiques pleuvent déjà sur Jean-Pierre Jouyet, nommé il y a à peine deux jours pour présider la future Banque publique d'investissement (BPI). Interrogé vendredi matin sur Europe 1 sur une aide éventuelle de la BPI au site Arcelor Mittal de Florange, promis à une fermeture imminente, l'actuel patron de la Caisse des dépôts et consignation (CDC) a estimé que "la BPI aura vocation à maintenir l'activité, pas à aider les canards boiteux." Les réactions ont été immédiates.

"Pas un simple couac"

Figure de la lutte des ouvriers de Florange, Edouard Martin, syndicaliste CFDT a affirmé au micro d'Europe 1 se sentir "insulté" par les propos de Jean-Pierre Jouyet. Les hauts-fourneaux de Florange "sont un fleuron de l'industrie française", a-t-il rappelé, citant quelques "clients prestigieux à travers le monde" comme BMW, Jaguar, Audi, Volkswagen…  "Je ne pense pas que ce soit un simple couac, a-t-il déclaré. J'ai bien peur que ce soit un état d'esprit beaucoup plus profond où ces personnalités qui vont décider de notre avenir, peut-être estiment-elles que l'industrie, notamment sidérurgique, est une industrie du passé."

Les autres syndicats du site partagent cette indignation. "C'est inadmissible de nous traiter de canards boiteux, aujourd'hui surtout, vu que la situation est difficile, s'est insurgé Walter Broccoli, délégué FO à Florange. Et de rappeler que "le site de Florange est une entreprise viable, comme l'a montré le rapport de Pascal Faure", l'expert chargé par le gouvernement d'une mission sur l'avenir du site. Le responsable syndical s'est dit "prêt à recevoir" Jean-Pierre Jouyet. "Il verra que si on craque une allumette, le site est reparti dans six mois, et qu'Arcelor Mittal Florange fait travailler des dizaines de PME-PMI qui représentent des milliers d'emplois sur la région". "J'ai l'impression qu'il ne connaît pas son sujet", a poursuivi Walter Broccoli, regrettant qu'on ait "mis à la tête de cette banque un financier qui n'a aucune culture de l'industrie".

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"Pour le moment, le canard boiteux, c'est lui", a encore ironisé le responsable CGT Jean Mangin, s'interrogeant sur "l'erreur de communication ou l'incompétence" de Jean-Pierre Jouyet à qui il demande des "excuses".

La Caisse des dépôts a aussitôt tenté d'éteindre l'incendie "Le futur président de la Banque publique d'investissement a le plus grand respect pour les salariés de Florange, héritiers d'une forte tradition sidérurgique française", est-il écrit dans un communiqué.

Pendant ce temps, depuis Bruxelles, où il participait au sommet européen, le chef de l'Etat a également cherché à calmer le jeu : "Florange n'est pas un canard boiteux. Florange fait partie d'Arcelor Mittal, et à ma connaissance Arcelor Mittal n'est pas un canard boiteux, c'est une grande entreprise", a affirmé François Hollande.

Hollande joue les pompiers

Le chef de l'Etat a, au passage, souligné que le groupe sidérurgique n'avait "pas demandé de bénéficier des interventions de la BPI" et que le site de Florange n'entrait même pas dans le périmètre d'action de la BPI : "ce dossier "ne relève pas de la BPI", a-t-il déclaré. Celle-ci n'est "pas là pour faire des concours de trésorerie à des entreprises qui seraient en difficulté", mais "pour prêter à long terme ou pour prendre des participations au capital dans des entreprises qui peuvent avoir besoin de fonds" et qui "ont un avenir". "C'était très important que [Jean-Pierre Jouyet] donne cette ligne directrice", a ajouté François Hollande.

Quant au ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, très impliqué sur le dossier qui cherche actuellement des repreneurs pour le site de Florange, il n'a pas voulu commenter les propos de Jean-Pierre Jouyet.