La Russie trouble le jeu à Chypre

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Martial You et Sophie Amsili , modifié à
Elle propose d'aider l'île en échange de licences sur le gaz. Un scénario qui effraie les Européens.

Il y a comme un vieux parfum de guerre froide dans l'air chypriote. Alors que d'un côté, la zone euro et le FMI conditionnent leur plan de sauvetage à des contreparties drastiques (notamment la très controversée taxe sur les dépôts bancaires), Moscou propose, elle, de prendre le contrepied des Européens en offrant une autre solution à Nicosie : licences de gaz contre dette épongée.

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Le gaz, nerf de la guerre. Les Russes ont beaucoup à gagner dans la petite île qui est déjà la première destination des fuites de capitaux russes. Chypre est en effet assis sur des millions de mètres cubes de gaz qui seront disponibles d'ici sept à huit ans. Le Russe Gazprom est sur les rangs, tout comme le Français Total. Pour gagner la partie, Gazprom, proche de l'Etat russe, a fait une proposition alléchante selon le quotidien russe Vedomosti : une aide financière en échange de licences de production de gaz naturel au large de l'île méditerranéenne. Autrement dit, les Russes épongeraient la dette de Chypre. L'île n'aurait alors plus besoin de l'aide des Européens.

L'euro à nouveau dans la tourmente. Et si Nicosie se laissait tenter par la proposition russe ? Rien ne permet d'écarter ce scénario. Or, un tel projet effraie les Européens car il ferait ressurgir le spectre d'un éclatement de la zone euro. La chancelière allemande Angela Merkel a d'ailleurs été claire : si Chypre se vend aux Russes, alors l'île sortira de l'euro…

Pour certains observateurs, les Européens ont en fait reproduit les mêmes erreurs qu'avec Athènes. Comme pour la Grèce, ils ont accepté l'entrée dans la zone euro de Chypre alors que le pays ne remplissait pas les critères d'adhésion. Chypre était connue pour être un paradis fiscal avec un système bancaire qui blanchit de l'argent sale, notamment de la mafia russe. Comme pour la Grèce, les Européens ont ensuite attendu que le problème éclate pour y faire face. Bruxelles a de plus, comme souvent, rendu son arbitrage sans consultation des peuples, ce qui contribue à l'impopularité de la monnaie européenne.

Et maintenant… la Lettonie ? Problème : la crise n'est pas terminée et le problème ne fait que se déplacer.  "Follow the money" (suivez l'argent), disent les Américains : beaucoup d'armateurs grecs sont devenus chypriotes pendant la crise. Aujourd'hui, l'argent chypriote est en train de migrer vers la Lettonie, ancien satellite soviétique. Or, la Lettonie doit intégrer l'euro... le 1er janvier prochain !