L'investissement en trompe-l'oeil de Mittal

Selon les informations d'Europe1, les investissements promis par le géant indien au gouvernement seront comblés par le crédit d'impôt
Selon les informations d'Europe1, les investissements promis par le géant indien au gouvernement seront comblés par le crédit d'impôt © MaxPPP
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avec Martial You , modifié à
Le crédit d'impôt compétitivité compensera la quasi-totalité des investissements promis à Florange.

L'info. "L'Etat s'est fait enfumer" par ArcelorMittal, répète à tout va le leader la CFDT à Florange, Edouard Martin. Et cette "constatation" semble se vérifier de jour en jour. Selon les informations d'Europe1, les investissements promis par le géant indien au gouvernement seront en réalité comblés par le crédit d'impôt aux entreprises, compris dans le cadre du pacte de compétitivité. Mesure qui, on le rappelle, prive les finances publiques de 20 milliards d'euros et sera en partie financée par une hausse de la TVA.

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Mittal promet 180 millions… enfin pas tout à fait. Dans les "engagements" que le gouvernement se targue d'avoir obtenu d'ArcelorMittal, se trouve une promesse d'investissement de 180 millions d'euros sur cinq ans. Mais, à regarder l'accord de plus près, seuls 53 millions d'euros devraient être consacrés à de l'investissement "stratégique", c'est-à-dire au développement de l'activité de Florange. Les 127 millions restants, eux, serviront aux "flux d'investissements courants, maintenance exceptionnelle, investissements de pérennité, santé, sécurité..." Bref, des dépenses courantes, qu'il aurait fallu réaliser de toute façon. Verdict : le sidérurgiste n'a "pas fait de concessions significatives", selon Guy Dollé, ancien patron d'Arcelor.

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Un investissement financé… par l'Etat.  Le gouvernement n'a donc pas obtenu de concession mais il fait pire : c'est l'Etat qui va lui-même financer les investissements. L'Assemblée nationale vient en effet tout juste d'adopter le crédit d'impôt de 20 milliards accordés aux entreprises, censé relancer la compétitivité en France. Vous savez, ce même crédit qui sera financé pour un tiers par une hausse de la TVA, et pour un autre par des coupes budgétaires drastiques. Ce même crédit, qui, afin de relancer la compétitivité au plus vite, a été voté en quatrième vitesse pour être effectif dès 2013. Or ce crédit pourrait bien être un "chèque Mittal", pour reprendre l'expression du député socialiste Jérôme Guedj.

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"Un beau cadeau dans la hotte de Mittal"

10 millions par an. Certaines voix, à la gauche du PS, assurent que la mesure rapportera au sidérurgiste 36 millions par an. Avec un tel montant, les 180 millions promis par le groupe seraient compensés en six ans, alors qu'il s'est engagé à les verser en cinq. Contacté par Europe1, Matignon dément ces chiffres. Selon les services du Premier ministre, le crédit ne rapportera "que" 10 millions par an à ArcelorMittal. Sortons donc la calculette : 10 millions par an pendant cinq ans font… cinquante millions, soit le montant des investissements stratégiques réellement promis par le groupe ! "C'est un cadeau que Mittal va recevoir dans sa hotte. Mais les salariés, qu'est-ce qu'ils vont avoir eux?", s'interroge, exténué, le délégué CGT de Florange, Yves Fabbri, au micro d'Europe1.

Pour ArcelorMittal, "L'impact ne peut pas être mesuré". Le groupe sidérurgiste, contacté par Europe 1, ne conteste pas le montant avancé par Matignon. En revanche, il explique que "l’impact réel de la mesure ne peut pas encore être mesuré car d’autres décisions comme les taxes écologiques pourraient neutraliser cette aide qui est une bonne décision selon le groupe pour sauvegarder la compétitivité de l’industrie française."

Un énième "enfumage"? Cette polémique arrive alors que la Commission européenne vient d'annoncer que le sidérurgiste avait retiré le projet Ulcos, au moins pour cette année. Ce projet, qui visait à transformer l'usine en site écologique, était censé donner un horizon à Florange, selon le gouvernement. D'après Matignon et ArcelorMittal, ce projet n'est toutefois que temporairement repoussé, mais pas abandonné, le temps de résoudre quelques "problèmes techniques". Une promesse qui laisse encore sceptiques bon nombre de salariés et d'experts.

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