L’immigration du travail en question(s)

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Plana Radenovic , modifié à
DECRYPTAGE - Europe1.fr a étudié l’impact économique d’une baisse de l’immigration choisie.

Dans une interview au Figaro magazine, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant affiche son intention de réduire l’immigration légale, notamment en diminuant l’immigration du travail. Le Parti socialiste et SOS Racisme ont dénoncé une "provocation" du ministre. L'ex-Premier ministre Laurent Fabius a même évoqué un "contresens économique". Au-delà de la polémique, Europe1.fr se penche sur l’impact économique réel de l’immigration en France.

L’immigration professionnelle ou "choisie" était jusqu’à présent encouragée par le gouvernement Sarkozy. Cette immigration avait presque triplé entre 2002 et 2008, atteignant quelque 23.000 visas pour établissement professionnel délivrés par an en moyenne, selon le rapport annuel transmis jeudi aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. En 2009, l’immigration choisie avait baissé de 6%, du fait de la crise, pour atteindre 16.000 arrivants.

Les immigrés, indispensables à l’économie

Mais avec le choix du gouvernement de réduire l’immigration légale, le risque est de voir s'aggraver la pénurie de métiers dans certains secteurs. "L’économie française a besoin des travailleurs immigrés. Des quantités de secteurs ne fonctionneraient pas sinon", selon Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de l’immigration, au micro d’Europe 1. "Le marché du travail des pays occidentaux est très segmenté. Les métiers pourvus par les nouveaux entrants sont des métiers non pourvus par les Français", ajoute-t-elle.

"Les travailleurs immigrés sont majoritairement employés dans le secteur tertiaire moins noble : les services aux entreprises, comme le nettoyage, les services à la personne, ou dans la restauration ou le bâtiment", explique l’économiste André Lebon, coauteur de L’Immigration en France, publié en 2002 aux éditions PUF. Dans le secteur médical, les immigrés sont majoritaires dans des métiers peu prisés par les Français : médecins de campagne, hospitaliers, gérontologues, notamment.

Les immigrés coûtent moins qu’ils ne rapportent

Quant à l'argument du coût de l'immigration pour l'économie nationale, il est balayé par une étude publiée en 2009 par une équipe de chercheurs de l’université Lille-II, sous la houlette du professeur Xavier Chojnicki, pour le ministère des Affaires sociales.

Cette étude établit que les immigrés coûtent moins aux finances publiques qu’ils ne rapportent. En 2009, selon les chercheurs lillois, l’immigration a coûté 47,9 milliards d’euros au budget de l’Etat. Dans le détail : 16,3 milliards d’euros pour les retraites, 6,7 milliards pour les allocations familiales ou encore 5 milliards d’allocations chômage. Mais de leur côté, les immigrés reversent, selon la même étude, 60,3 milliards d’euros à l’Etat, notamment via les cotisations sociales qu’ils acquittent, chiffrées à 26,4 milliards d’euros.

Donc le solde économique de l’immigration est positif, à hauteur de quelque 12 milliards d’euros par an. "Au final, moins d’immigration c’est à la fois moins de dépenses sociales mais c’est aussi et surtout moins de cotisants", conclut l’étude. Sans compter que les immigrés consomment, donc injectent de l’argent dans l’économie française.

Une analyse que partage Antoine Math, économiste à l'Institut de Recherches économiques et sociales (IRES) : "les études économiques sérieuses disent que l’immigration a plutôt un impact positif sur l’économie du pays d’accueil mais cet impact est très limité", affirme-t-il à Europe1.fr.

Sur les retraites par exemple, l’effet est positif, puisque les immigrés sont autant de cotisants, mais c’est "transitoire", puisque ces derniers vieillissent à leur tour, et doivent donc toucher une retraite. Le Conseil d’Orientation des Retraites a récemment montré qu’un accroissement des entrées de 50 000 par an pourrait réduire le déficit des régimes de retraites d’un demi-point de PIB à l’horizon 2050.