Déficit à 3% : comment la France est rentrée dans le rang

François Hollande aurait bien voulu convaincre la Commission européenne d'accepter un nouveau délai.
François Hollande aurait bien voulu convaincre la Commission européenne d'accepter un nouveau délai. © REUTERS
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Damien Brunon avec Anne-Laure Jumet et Isabelle Ory
ON REFAIT LE MATCH - Parti négocier un nouveau calendrier avec Bruxelles, l’exécutif français n’est finalement parvenu qu’à minorer ses objectifs.

L’INFO. “Le rythme du déficit a été modifié, il a été discuté avec nos partenaires européens, donc nous avons une baisse du déficit un peu moins rapide que ce qui était prévu, mais évidemment nous respectons tous nos engagements”, a promis jeudi matin Michel Sapin lors d’une énième mise au point. Depuis quelques jours, il est difficile d’y voir clair parmi toutes les déclarations de l’exécutif français sur le sujet. Explication de texte.

Qu’a promis la France ? Pour bien comprendre la situation dans laquelle se trouve l’Hexagone, il faut se plonger dans les traités signés par les pays de l’Union depuis une vingtaine d’années. Fondé sur le traité d’Amsterdam de 1997, le pacte de stabilité et de croissance force les Etats de la zone euro à respecter un ensemble de critères vis-à-vis de leurs partenaires.

Parmi eux, on trouve notamment deux seuils que les Etats doivent respecter. Ces derniers sont obligés de maintenir le déficit annuel de leur budget à un maximum de 3% du PIB et leur dette publique en dessous de 60% du PIB. Problème, depuis 2007, la France ne respecte aucun de ces deux critères.

En mai 2013, alors que le pays n’arrive pas à résorber ses problèmes budgétaires, François Hollande parvient à négocier un nouvel échéancier avec Bruxelles. Cette fois-ci, la promesse est ferme : la France ramènera son déficit annuel à moins de  3% (2,8% en l’occurrence) à l’horizon 2015, et présentera un budget à l’équilibre en 2017.

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© Reuters

Que voulait obtenir Hollande ? Mais tout change il y a un peu moins d’un mois. La gauche vient de prendre une raclée aux élections municipales et François Hollande annonce que Manuel Valls va entrer à Matignon. “Le gouvernement aura à convaincre l’Europe que la contribution de la France à la compétitivité et à la croissance doit être prise en compte dans le respect de ses engagements”, soutient-il lors d’une allocution télévisée. Entre les lignes, on comprend alors que l’exécutif compte négocier un nouveau délai avec Bruxelles.

Une semaine plus tard, Manuel Valls enfonce le clou lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Il y évoque devant les députés un “changement de rythme”. Au lendemain de sa nomination à Bercy, Michel Sapin embraye. “Il n’est pas question de changer de cap. C’est le chemin, le rythme lui-même qui sera discuté dans un intérêt commun”, explique-t-il.

Discours de Politique Générale de Manuel Vallspar Europe1fr

Comment le vent a-t-il fini par tourner ? Les velléités de renégociations ont néanmoins été rapidement douchées par les différents partenaires financiers de la France. L’Europe, notamment, a réagi de façon ferme dans la foulée. “La France a déjà obtenu un délai de grâce de deux ans, le travail reste à faire et nous espérons que le nouveau gouvernement reconnaîtra ses obligations”, tranche alors Jeroen Dijsselbloem, le président néerlandais de l’Eurogroupe.

Mais la véritable claque, ou plutôt la paire de claques, n’intervient qu’un peu plus d’une semaine plus tard. Des émissaires français sont alors envoyés à Bruxelles pour parlementer avec la Commission européenne et à Washington pour rencontrer le FMI. Du côté de la Belgique, c’est un rendez-vous “chaotique” que décrit Le Figaro mardi. Philippe Légliste-Costa et Emmanuel Macron, deux proches collaborateurs de François Hollande, sont reçus froidement et comprennent très vite que aucune négociation ne sera acceptée.

Outre-Atlantique, Michel Sapin rencontre les membres du Fonds Monétaire International, mais aussi des représentants européens sur place. Parmi eux, se trouve notamment l’Estonien Siim Kallas, commissaire provisoire aux Affaires économiques. Ce dernier “a été très clair”, commente sobrement un proche du ministres des Finances et des Comptes publics, selon le Figaro. “A Washington, on m’a dit que la France devait être à la hauteur de ses responsabilités”, commente Michel Sapin sur Europe 1. Autant dire que les négociations n’ont pas tourné à l’avantage des Français.

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Quels engagements a pris la France ? De retour en France, la queue entre les jambes, les différents émissaires sont donc bien obligés de se rendre à l’évidence : il faut oublier la mise en place d’un nouveau calendrier. A partir de là, les déclarations publiques sont beaucoup plus mesurées.

“3% en 2015, c’est notre stratégie budgétaire”, précise lundi sur Europe 1 le ministre des Finances et des Comptes Publics. “Je n’ai pas demandé de délai, ajoute-t-il jeudi sur RTL. Le rythme a été modifié et discuté pour être bien compris. Notre rythme est un peu moins rapide que prévu, mais on respectera le délai”.

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Et justement, dans l’entourage du ministre, on précise que c’est notamment sur l’année 2014 que pourrait être négociée une toute petite marge. Pour l’instant, la France a promis un déficit de 3,6% du PIB pour cette année, puis de 2,8% en 2015. Bruxelles pourrait au final laisser un peu de lest à Paris sur les deux années si l’objectif final de 3% est atteint d’ici l’an prochain.

L’exécutif français mise en réalité sur le fait que des mesures moins drastiques pour 2014 permettraient de donner de l’air à l’économie hexagonale et donc de relancer la croissance. L’objectif final pour 2015 pourrait ainsi être atteint plus facilement, mais il ne changera pas.

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