Coup de semonce des députés contre l’optimisation fiscale

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Alexis Toulon
De l’optimisation fiscale à la fraude fiscale, il n’y a qu’un pas, ont estimé les députés de la majorité, qui ont voté des amendements encadrant la pratique.

Les entreprises ont la possibilité de payer moins d’impôts, de manière parfaitement légale, grâce à certains montages financiers. Alors que le gouvernement revoit ses prévisions de recettes budgétaires à la baisse et que les Français crient au ras-le-bol fiscal, les députés ont souhaité renforcer la lutte contre les abus, contre l’avis du gouvernement. Deux amendements votés vendredi retiennent particulièrement l’attention : celui sur les "abus de droit" et celui obligeant les entreprises à déclarer leurs montages.  Le texte sur le budget doit être adopté par l’Assemblée nationale mardi.

Qu’est-ce que l’optimisation fiscale ? Les entreprises peuvent se soustraire à l’impôt de manière légale grâce à des dispositifs prévus par la loi. Par exemple, une société peut jouer sur les prix de transfert (facturation des échanges avec ou entre filiales) afin de diminuer artificiellement ses bénéfices et donc son impôt.  Autre solution : déduire les pertes de ses filiales à l’étranger sur ses bénéfices en France.

 Qu’est-ce que l’abus de droit ? L'abus de droit, "c'est quand huit entreprises du CAC 40 ne payent pas d'impôt sur les sociétés en France", a lancé Karine Berger à l’Assemblée.  L’administration fiscale estime pour sa part que lorsqu'un contribuable réalise un acte ayant un caractère fictif ou pris uniquement dans le but d'éluder ou d'atténuer l'impôt, il commet un abus de droit. Et l’administration fiscale a le droit de faire payer une pénalité de 80% des sommes dues au contrevenant.

Un des amendements votés vendredi propose de modifier cette définition dès 2016 en remplaçant "uniquement" par "motif principal". Du côté des spécialistes du secteur, interrogés par Europe1.fr, on s’inquiète de l’insécurité juridique apportée par cette nouvelle notion. "Ça peut freiner les investissements alors que l’on est même pas sûr que cela change vraiment quelque chose, ni de la portée de cette modification", confie un spécialiste de la fiscalité à Europe1.fr. Rien n’est chiffré, et de l’aveu même de Karine Berger, "je laisse à mes collègues spécialistes du droit le soin d’argumenter sur la manière dont la mesure (…) pourra évoluer en fonction de la lecture qu’en feront les juristes".

Il faudra déclarer les montages. Une des mesures votées concerne l'obligation pour les promoteurs, ou à défaut les utilisateurs, de montages d'optimisation fiscale de les communiquer au fisc avant leur mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2015. "Encore une fois, on attend les modalités pratiques, le texte prévoit une pénalité de 5% si l’opération de commercialisation n’est pas déclarée, mais on n’est pas juridiquement des commerçants", précise encore l’expert contacté par Europe1.fr.

Quid des risques juridiques ? Bernard Cazeneuve a prévenu : le texte doit être "absolument irréprochable techniquement et juridiquement" vu "la complexité des sujets et l'agilité des fraudeurs". Ses rapporteurs ont mis en avant le besoin de lutter contre les abus. Mais les amendements donnent une très grande liberté d’interprétation à l’administration fiscale. Or, "dans un État de droit, pourtant, l’administration doit appliquer le droit de façon systématique dès lors que les cas qui lui sont soumis justifient que le droit s’applique. Autrement, ce n’est pas un État de droit", rappelle le ministre du Budget. Toutefois, l’intégralité du texte devrait être voté mardi estime un spécialiste du droit fiscal. "C’est dans l’air du temps", assure-t-il, même s’il pense qu’il aurait été plus efficace de s’en prendre aux niches fiscales.  

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