Combien nous coûterait une sortie du nucléaire ?

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ÉNIGME- La fourchette des prévisions est très large : de 350 à 750 milliards. Seule certitude, cela coûterait cher.

Le coût du nucléaire reste un mystère. Y compris pour la commission d'enquête parlementaire qui s’est penchée sur la question et a pourtant planché cinq mois sur le sujet et mené près d’une soixantaine d’auditions. Dans son rapport publié mardi, la commission pointe "un certain nombre d'incertitudes" et a exprimé sa "préoccupation" sur l'évolution des coûts de la filière en France.

Deux semaines auparavant, la Cour des comptes dressait un constat identique, pointant les zones d’ombre sur la facture à venir de la filière nucléaire, dont la part dans la production d'électricité en France doit passer de 75% à 50% à l'horizon 2025. Puisque cette transition énergétique est si difficile à chiffrer, qu’en est-il d’une sortie pure et simple du nucléaire ?

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400 milliards et beaucoup de discrétion pour EDF. Cette question amène des réponses très variées, voire pas de réponse du tout. Premier concerné, EDF affirme ne pas avoir chiffré un tel scénario, préférant réserver ses calculs au coût d’un prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires existantes. 

Auditionné par la commission parlementaire, le directeur exécutif groupe chargé des finances d’EDF a pourtant livré quelques chiffres sur les centrales dont la fermeture est déjà programmée. Leur déconstruction, leur mise à l’arrêt et la gestion de ses déchets coûteraient 21 milliards d’euros, dixit Thomas Piquemal. Pour une vision plus globale, il faut remonter aux déclarations du PDG Henri Proglio, publiées dans Le Parisien en novembre 2011.

"En France, [fermer les centrales nucléaires] impliquerait aussi un investissement de 400 milliards d'euros pour remplacer le parc existant par des moyens de production alternatifs, ce qui se traduirait par un doublement de la facture d'électricité", a-t-il prévenu. Sans qu’on sache si ce chiffre prend en compte le traitement des déchets radioactifs.

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Entre 350 et 750 milliards pour le CEA. Pour une vision globale, mieux vaut se tourner vers le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, plus prolixe. Son Institut de technico-économie des systèmes énergétiques (I-tésé) a en effet mené une vaste étude début 2012.

Ses calculs prennent en compte les "nouveaux investissements nécessaires (production et réseau) par rapport à la prolongation du parc existant et une estimation des surcoûts de réseau engendrés par le recours massif à des énergies intermittentes". Résultat : entre 350 et 560 milliards, selon que la France ferme ses centrales en 2050 ou dès 2025. Plus concrètement, "le scénario d’arrêt du nucléaire entrainerait une augmentation de plus des 70% pour les industriels et de 50% pour les ménages, en ordre de grandeur". Mais là aussi les chiffres peuvent être très variables puisque Bernard Bigot, le patron du CEA, estimait en 2011 la facture à… 750 milliards.

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490 milliards selon Greenpeace mais... L’association de défense de l’environnement est un farouche partisan de la sortie du nucléaire. L’ONG a donc elle aussi fait chauffer ses calculettes pour définir un scénario de transition énergétique. Si le gouvernement s’en tient à ses objectifs, la facture atteindrait 490 milliards d’euros d’ici 2050. Pour y arriver, l’ONG parie néanmoins sur une baisse de 30% de la consommation d’énergie, ce qui suppose de sérieux efforts en termes d’efficacité énergétique.

Mais Greenpeace s’attarde sur un autre chiffre, tout aussi important : ce que coûterait la mise aux normes des centrales existantes pour prolonger leur durée de vie, un scénario que défend EDF et qui a la cote à l’Elysée. "En 2017, 80% du parc nucléaire français aura atteint la durée d’exploitation de 30 ans initialement envisagée", rappelle l’ONG. Il faudra investir pour les maintenir en état de fonctionnement, à hauteur de 4,5 milliards par chacun des 58 réacteurs français. Selon ses calculs, si quitter le nucléaire coûtera 490 milliards, le conserver reviendrait donc à 261 milliards.

Un point de vue que partage l'association Sortir du nucléaire : "le gouffre financier qui se précise ne rend que plus urgente une transition vers les économies d'énergie et les économies renouvelables, non polluantes, beaucoup moins chères et fortement pourvoyeuses d'emplois locaux", a réagi l'ONG.

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L’exemple allemand. Puisqu’un consensus est impossible, autant aller voir ce qu’il se passe du côté des pays qui ont déjà entamé une sortie du nucléaire, et notamment l’Allemagne. Nos voisins avaient initialement décidé de sortir du nucléaire en 2036, ce sera finalement 2022. Cette accélération à un coût : invité des Enjeux internationaux sur France Culture, François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech et à Berkeley, soulignait que "plusieurs estimations convergent sur un ordre de grandeur autour de 50 milliards d’euros".

Pour la facture globale, le gouvernement estime qu’il lui en coûtera environ 550 milliards d’ici 2050. Pour une transition décidée il y a dix ans dans un pays qui compte trois fois moins de réacteurs que l’Hexagone. La facture française risque donc d’être plusieurs fois revue à la hausse.

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