Alcatel : Ayrault veut une "négociation"

Arnaud Montebourg, a demandé mardi à la direction d'Alcatel-Lucent de "réduire" le plan social, qu'il a jugé "excessif".
Arnaud Montebourg, a demandé mardi à la direction d'Alcatel-Lucent de "réduire" le plan social, qu'il a jugé "excessif". © MAX PPP
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Alexis Toulon , modifié à
Le Premier ministre a appelé la direction du groupe à "revoir" son projet de suppression de 900 emplois en France.

L'INFO. Le groupe Alcatel Lucent enchaîne les plans sociaux et tente de sortir du trou dans lequel il s’est enfoncé depuis 2001. A la manœuvre pour tenter de faire revivre celui qui fut le fleuron de la technologie française, Michel Combes, patron de l’entreprise depuis avril 2013. Le remède est douloureux : un milliard d’euros d’économies, pris en grande partie dans la masse salariale, a été annoncé mardi. 10.000 emplois sont voués à la disparition dans le monde, dont 900 en France, soit 10% des effectifs présents dans l'Hexagone.

DERNIÈRE MINUTE : un plan "excessif" pour l'exécutif. Invité de la matinale d'Europe1 mercredi, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a rappelé son opposition au plan proposé par la direction d'Alcatel. "L'objectif, c'est de réduire le nombre de suppression d'emplois", a-t-il précisé, ajoutant que si cela n'était pas fait, le gouvernement ne donnerait pas son agrément au plan social prévu. "Il ne s’agit pas de venir au secours, il s’agit de demander aux responsables de cette entreprise de revoir leur plan, de consolider une stratégie de redressement économique mais en même temps de faire que les salariés ne soient pas les seules variables d’ajustement", a ajouté Jean-Marc Ayrault.

EXTRAIT - Ayrault veut qu'Alcatel "revoit son...par Europe1fr

Mardi, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg avait déjà demandé à la direction d'Alcatel-Lucent de "réduire" le plan social, qu'il avait jugé "excessif". "Nous avons demandé à la direction d'Alcatel-Lucent de reformater à la baisse le plan social, le réduire", a déclaré le ministre devant l'Assemblée nationale.

>> Pas sûr, toutefois, que le gouvernement soit entendu. L'annonce d'Alcatel intervient après des années de suppressions de postes et de déchéance du groupe. Comment cet ancien fleuron des nouvelles technologies en est arrivé là ? Europe 1 revient sur la chute d'un géant.

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La genèse  L’histoire d’Alcatel commence en Belgique, à Charleroi en 1881 sous le nom de Compagnie Générale d’Électricité (CGE). En 1914, le siège est déplacé à Paris et elle commence à absorber diverses entreprises. De la Compagnie Générale des Câbles de Lyon en 1925 à la fusion avec CIT-Alcatel-Thomson Télécommunication, en passant par la prise de contrôle d’Alsthom en 1969 et à la nationalisation en 1982, le groupe ne cesse de croître et de développer sa capacité industrielle dans divers domaines.  

L’émancipation. En 1987, la CGE est privatisée. A ce moment, elle s’est bien développée dans les télécommunications avec l’achat de la branche spécialisée de ITT Corporation en 1986. Elle est aussi présente dans le nucléaire avec 40% de Framatome, les transports avec GEC-Alsthom qui devient Cegelec. En 1991, la CGE devient Alcatel Alsthom, achète la division de transmission du groupe Rockwell Technologies, STC Submarine Systems (spécialiste des câbles sous marin) en 1993.

Le virage. 1995 marque un changement fondamental dans le groupe : Serge Tchuruk devient président d’Alcatel Alsthom, recentre l’entreprise sur les télécommunications et vise le marché américain. Le groupe continue d’absorber des entreprises, mais uniquement dans le marché des communications.

Alcatel

La crise. En mars 2000, la bulle internet explose. Le krach a de lourdes répercussions dans l’ensemble des entreprises d’informatique et de télécommunication. Pourtant, en 2001, le groupe continue de se spécialiser, cède une partie de ses participations (Alsthom : 24 %, Thales : 4,2 %, Areva : 2,2 %) et achète de nouvelles entreprises dans les télécommunications. En juin, Serge Tchuruk se veut même prophète et lance un dogme : faire d'Alcatel une entreprise sans usine en 18 mois.

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La chute. Avec l’explosion de la bulle internet, l’immatériel montre ses limites. La volonté de transformer le conglomérat en "pure player" se paie cher : l’action commence une chute qui ne s’arrête jamais (elle perd plus de 97% en 10 ans) et le groupe annonce 5 milliards d’euros de pertes rien que sur l’année 2001. Entre 2000 et 2005, les plans sociaux se multiplient, les effectifs mondiaux sont divisés par deux (de 113.400 à 57.700), le chiffre d'affaires est divisé par 2,5 et les dépenses de recherche réduites de moitié.

La fusion de la dernière chance. Le 3 avril 2006, Alcatel s’offre un pied en Amérique en fusionnant avec Lucent. Outre le marché, c’est le Bell Labs et ses 23.000 ingénieurs qui intéressent le groupe. Au passage, le rapprochement permet de faire 1,4 milliard d’euros d’économies et 16.500 personnes se retrouvent au chômage, dont 1.500 en France. Dans le même temps, le groupe délocalise ses activités en Chine et en Inde. Mais rien n’y fait, le groupe continue d’afficher des pertes records. Finalement, Serge Tchuruk, qui codirige l’entreprise avec l’Américaine Patricia Russo, est remercié en 2008.

alcatellucent

Vers un "nouvel élan". La direction est renouvelée en 2008 avec l’arrivée de Ben Verwaayen, directeur général et Philippe Camus, président. De nouveaux visages qui ne changent rien aux pratiques de l’entreprise. En 2009, 1.000 postes de cadres sont supprimés et des départements sont cédés à d’autres entreprises (le service informatique part chez Hewlett-Packard). En 2012, le groupe affiche une perte de 1,3 milliard, suite à la dépréciation de ses actifs. Elle met en gage plus de 29.000 brevets (valeur estimée : 5 milliards de dollars) pour obtenir 2 milliards de dollars (1,6 milliard d'euros) de crédit auprès de Goldman Sachs et Crédit Suisse pour assurer ses échéances. L’action coûte moins d’un euro, l’entreprise sort du CAC 40. L’été, Alcatel-Lucent annonce la suppression de 5.000 postes dans le monde.

Le "Shift" de la dernière chance. Le temps où un patron en échec restait à la tête de l’entreprise est révolu. Michel Combes arrive en avril 2013 à la tête d’Alcatel-Lucent. Afin de sauver l’entreprise, le patron a un remède miracle : le "Shift". Celui-ci a été présenté mardi, il comprend 1 milliard d’économies sur les coûts fixes, comprendre la suppression de 10.000 emplois dans le monde dont 900 en France. Ce plan social est le sixième depuis la fusion.

L’ironie est à son comble : Michel Combes avait expliqué en mai devant le comité du groupe qu’"Alcatel-Lucent ne peut plus se permettre de rester un généraliste des télécommunications". La planche de salue du groupe est de "devenir multispécialiste", autour de trois piliers (les réseaux IP, le très haut débit fixe et mobile et le cloud). Un retour en arrière en somme sur une décision qui aura coûté des milliers d’emplois.

Le gâchis Alcatelpar Europe1fr

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