Actes médicaux : leur utilité en question

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Sophie Amsili et Sandrine Prioul , modifié à
Selon un sondage, 30% des examens et interventions sont inutiles, voire préjudiciables aux patients.

Le chiffre. La proportion est considérable : près de 30% des actes médicaux pratiqués dans les hôpitaux et les cliniques seraient inutiles, selon un sondage de la TNS Sofres réalisé en juillet et sur lesquels vont plancher les Etats généraux des maladies nosocomiales qui s'ouvrent aujourd'hui.  Radios de contrôle, scanners, pose de sonde urinaire à domicile, opérations de la vésicule biliaire, de la cataracte ou de la prostate... En tout, chaque année, près d'1,5 milliard d'analyses et 2 millions d'intervention chirurgicales seraient superflues. Ces actes injustifiés coûteraient environ 40 milliards d'euros à la Sécurité sociale. 

Les analyses, "un gâchis". "C'est un chiffre qui ne m'étonne pas vraiment", réagit le professeur Guy Vallancien, urologue, au micro d'Europe 1. Il évoque un "gâchis à l'hôpital" : "vous avez des radios, des examens biologiques qu'on a déjà faits ailleurs mais qu'on veut refaire. Et ensuite, on sait qu'il y a environ 20% d'examens qui ne sont même pas lus par les médecins."

Interventions : "de vrais débats". Quant aux interventions chirurgicales, le professeur Guy Vallancien s'interroge : faut-il systématiquement opérer un calcul dans la vésicule biliaire ? Une hernie inguinale ? La cataracte de toutes les personnes âgées qui voient moins bien ? "Ce sont des vrais débats", estime-t-il. "Nous ne savons pas aujourd'hui quelle est la véritable pertinence d'un acte. (…) Et comme nous sommes payés à l'acte (…), vous comprenez bien que l'inflation d'actes est facile. Plus on en fait, plus on touche. Maintenant il faudra regarder la qualité du résultat, savoir si on le fait ou non."

Une "erreur monstrueuse". Plus grave, certains actes opératoires inutiles entraînent de réels handicaps pour les patients. Mustapha, opéré du nez, témoigne pour Europe 1 de sa "descente aux enfers" : "Au départ, j'avais simplement un problème de nez bouché", se souvient-il. "J'ai consulté un ORL mais le traitement n'a pas abouti. Il m'a proposé une chirurgie du nez." Mustapha subit alors une opération des cavités nasales. Une "erreur monstrueuse", juge-t-il aujourd'hui, énumérant ses "symptômes horribles" lié à ce qu'on appelle le "syndrome du nez vide" : douleurs au nez, maux de tête récurrents, fatigue chronique, nez et gorge secs. Aujourd'hui invalide à 80%, il s'interroge : "pourquoi cette intervention ? Il aurait fallu me laisser comme j'étais avec des traitements d'appoint."

"On m'a tuée en me laissant en vie." Même témoignage de Laurence, opérée après s'être plainte "de maux de têtes dérangeants mais pas invalidants". Elle subit trois lourdes interventions chirurgicales : "Ca consiste à ouvrir tous les sinus et on gratte jusqu'aux méninges. Il fallait faire un peu plus de place à chaque fois. Sauf qu'en fait, on m'a fait un trou dans la tête tout simplement." Les conséquences sont considérables : "Aujourd'hui je souffre de maux de têtes atroces", explique-t-elle. "On m'[avait] promis 'quinze jours au bloc opératoire puis vous reprendrez votre boulot comme si de rien n'était'. Sauf que là, j'ai tout perdu. On m'a tuée en me laissant en vie."

Créer "un dossier partagé". Invitée sur Europe 1, Claude Rambaud, présidente du Collectif interassociatif sur la Santé (CISS), met en cause le "système" et "demande un dossier médical partagé entre les professionnels auquel le patient pourra accéder." Ce dernier a également un rôle à jouer, insiste-t-elle : elle invite les patients à oser "prendre la parole" et à "poser des questions". Dont la première est : "Docteur, est-ce bien nécessaire ?"