A quoi s'attendre en cas de perte du AAA ?

L'agence de notation Moody's Investors Service a estimé lundi qu'une hausse des taux des obligations françaises sur les marchés financiers et des perspectives de croissance économique détériorées risquaient d'avoir des conséquences négatives sur la note de la dette de la France.
L'agence de notation Moody's Investors Service a estimé lundi qu'une hausse des taux des obligations françaises sur les marchés financiers et des perspectives de croissance économique détériorées risquaient d'avoir des conséquences négatives sur la note de la dette de la France.
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avec Carole Ferry et agences , modifié à
DECRYPTAGE - La perspective d'une perte du triple A français s'est accentuée lundi.

La France a toujours son triple A, mais l'épée de Damoclès est bien là. Après son premier coup de canif du 18 octobre, quand elle avait averti la France du risque de perdre, à terme, sa meilleure note, l'agence de notation Moody's a une nouvelle fois accru la pression lundi. Mais une perte du triple A serait-elle catastrophique pour la France ? Europe1.fr fait le point.

HAUSSE DES TAUX D'EMPRUNTS D'ETAT

De plus grandes difficultés pour emprunter sur les marchés. Les indicateurs économiques ne sont pas encourageants pour la dette française. Les taux à 10 ans, baromètre de la confiance des investisseurs, ne cessent de grimper, même s'ils restent inférieurs à leur niveau du printemps. Surtout, l'écart de taux se creuse avec le Bund, l'obligation allemande de référence. Il a atteint un niveau historique la semaine dernière en dépassant les 200 points de base (2 points de pourcentage).

Et si la France perdait la note maximale, il s'en suivrait inévitablement une importante augmentation des taux d’intérêts exigés pour emprunter sur les marchés financiers. Moody's s'inquiète d'ailleurs déjà des taux de plus en plus élevés auxquels doit faire face la France pour emprunter sur le marché obligataire.

Une dégradation déjà constatée sur le terrain ? Certains analystes pondèrent toutefois cette nouvelle menace de Moody's, expliquant que la perte du triple A existe déjà dans les faits. "Ce n'est pas un scoop, mais ça appuie là où ça fait mal", a commenté Dov Adjedj, du courtier Aurel BGC. "Cela fait belle lurette que la France ne mérite déjà plus son triple A", a expliqué de son côté Laurent Geronimi, directeur de la gestion des taux chez Swiss Life Gestion privée. "On emprunte déjà comme si nous n'étions plus triple A mais simplement double A", avait par ailleurs estimé il y a quelques jours sur Europe 1 Jacques Attali.

Dans les faits, il existe déjà effectivement un écart conséquent entre les différents pays notés triple A. Aujourd'hui, la France emprunte à environ 3,4% sur 10 ans. C'est plus que la Suisse par exemple, elle aussi notée triple A et dont les taux d'intérêt à 10 ans se situent autour de 0,85%. Et c'est même plus que le Japon pourtant noté AA- par S&P.

DES CRÉDITS MOINS ACCESSIBLES

Hausse des taux de crédit . D'après Cyril Régnat, stratégiste chez Natixis, une perte du triple A aurait  "bien sûr des impacts en chaîne sur l'économie réelle, puisque les banques françaises se financent généralement à un taux proche - légèrement supérieur - de celui de l'Etat", a-t-il expliqué dans un entretien à L'Expansion.com. Pour ce dernier, "les taux des crédits aux entreprises et aux particuliers pourraient donc monter en flèche, ce qui asphyxierait l'activité".

Le marché immobilier français ne serait pas épargné par une perte du triple A, avec une probable très nette augmentation des taux de crédit immobilier. En effet, si les banques empruntent plus cher, elles prêteront plus cher. Cette hausse des taux d'intérêt se ferait toutefois en douceur, car en réalité les banques ont déjà  revu leurs taux à la hausse, pour éviter que cette augmentation soit trop brutale.

Plus difficile d'obtenir un crédit immobilier. Le plus dur sera surtout d'obtenir un crédit. Les banques se montrent en effet de plus en plus frileuses et ont déjà durci les conditions d'accès à l'emprunt selon le président de Century 21, Laurent Vimont. "Là ou on demandait avant 33% d'endettement, on est revenu à 30%. Et les dossiers qui font état de moins de 10% d'apport personnel ne sont plus présentés aux banques (…). Très clairement les banques françaises continuent à prêter mais le font en étant encore plus prudentes qu'il y a six mois", analyse-t-il au micro d'Europe 1.

Seul point positif pour ceux qui envisagent d'acheter, les professionnels s'attendent à une baisse des prix de 5 à 10% début 2012, la demande risquant d'être moins importante. A l'exception de Paris toutefois.

AUGMENTATION DE LA FISCALITÉ LOCALE

Hausse des charges pour les collectivités. Norbert Gaillard, spécialiste des agences de notation et expert auprès de la Banque mondiale a récemment expliqué dans un entretien au Figaro.fr que puisque "la note du pays sert de référence nationale", si celle-ci "est abaissée, toutes celles des entreprises, des banques et surtout des collectivités locales seront remises en cause". "Parmi ces dernières, celles dotées d'un AAA, comme la ville de Paris ou la région Ile-de-France, seront automatiquement dégradées", a-t-il prévenu. Face à une hausse des taux d'intérêt auxquels elles empruntent, les collectivités locales pourraient donc être contraintes d'augmenter la fiscalité locale.

Pour plusieurs analystes, le seul moyen désormais de mettre fin à cette épidémie est une action rapide et volontaire de la zone euro avec notamment une annonce choc lors du prochain sommet européen le 9 décembre.