De toutes nos forces : handicapés, ils ont été bouleversés

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TÉMOIGNAGES - Des personnes handicapées et leurs proches réagissent au film De toutes nos forces, de Nils Tavernier, sur les écrans mercredi. 

CE QUE RACONTE LE FILM. Le moins qu’on puisse dire c’est que ce film ne laisse pas indifférent. Sur les forums ou sur Twitter, de nombreux spectateurs présents aux avant-premières font l’éloge de DeToutes nos forces, un long-métrage très réaliste, qui traite parfois de ce que certains d’entre eux, ou leurs proches, vivent. C’est l’histoire de Julien (Fabien Héraud), un adolescent handicapé moteur, couvé par sa mère (Alexandra Lamy) et qui rêve de sensations fortes. Pour renouer avec son père (Jacques Gamblin), qui le fuit et qui vient de perdre son emploi, il lui demande de participer à "l’Ironman" de Nice, l’une des épreuves sportives les plus difficiles qui soit. De toutes nos forces, signé Nils Tavernier, sera mercredi sur les écrans.

>>> On vous propose d'abord de regarder la bande-annonce :

>>> Nous avons demandé aux premiers concernés, des personnes handicapées, ou leurs proches, de donner leur point de vue sur le film.

L'avis de Catherine Lange. Myopathe à un stade avancé, Catherine a 49 ans.

Catherine-Lange

"Dans la société actuelle, on est considérés comme des gens qui ne servent à rien, or je crois que nous avons au contraire un rôle très important à jouer : celui d’ouvrir les yeux aux gens et de leur donner le courage qu’ils n’ont pas. C’est ce que montre très bien le film, que j’ai trouvé drôle et émouvant. En 2008, j’ai eu une pneumonie très grave, et j’ai passé sept mois en réanimation dont 33 jours dans le coma. Même les médecins étaient pessimistes. Ma seule volonté c’était de reprendre la musique et les cours de chant. Quatre ans après, j’ai fait mon petit "Ironman" à moi, en chantant trois morceaux lyriques devant 200 personnes, avec des musiciens classiques professionnels. Le message du film dépasse le handicap : peu importe les modalités de départ, quand on veut quelque chose, on peut y arriver. De toutes nos forces aurait pu avoir un autre sujet, comme une position sociale défavorisée par exemple. Il montre à quel point le mental et l’amour des proches font la différence."

• L'avis de Noëlle Sedilot-Gasmi. Professeur d’espagnol, Co-fondatrice de l'association " une Joëlette pour Anaëlle". Noëlle est la mère d’Anaëlle qui est "infirme moteur cérébral".

"J’ai été très émue. Le film reste une fiction, mais il traduit exactement notre quotidien. Les problèmes qu’on rencontre dans la vie de tous les jours, le moment de la douche par exemple pendant lesquels il faut être là, c’est tout à fait ça. Comme dans le film, on porte notre fille dans les bras avec mon mari pour les transferts d’un lieu à l’autre. Par ailleurs, ce défi que Julien lance à son père dans De toutes nos forces, c’est un défi qu’on a relevé l’année dernière, avec le père, le parrain de ma fille Anaëlle et son équipe de pompiers professionnels de Chartres : ensemble ils ont participé au marathon de Paris, le 7 avril 2013, en  joëlette, c'est-à-dire un fauteuil tout terrain que nous avons d'ailleurs en partie obtenue grâce à la mobilisation sportive et caritative de jeunes triathlètes houdanais entraînés par Didier Abauzit, professeur d'EPS.. Anaëlle a accepté de relever le défi : c’est quand même un minimum de 5h sans bouger sur un fauteuil !"

"Toute la période de l’entrainement est très belle dans le film. La mère gère le temps. Moi mon mari courrait et je le suivais, à vélo. Comme dans le film, c’était pour nous une expérience familiale. On a vécu ce marathon ensemble. Donc forcément, on a été particulièrement touchés."  

"Le regard sur les personnes handicapées ? On ne veut pas de pitié, et c’est aussi le message de Julien et de ses parents dans le film. De la compassion on l’accepte, de la pitié on n’en veut pas. Ceux qui ne sont pas touchés par le problème, qui ne connaissent pas une personne invalide, ne peuvent pas vraiment se mettre à notre place. Pourtant il faut oser poser des questions. C’est une fois que les gens auront leur réponse que le handicap sera accepté. Avec ce film, on n’est pas tombé dans le larmoyant, ni dans le dramatique."

...Et de sa fille Anaëlle : elle a 11 ans et est en 6e au collège. Anaëlle est infirme moteur cérébral à la suite d’une naissance prématurée. Elle présente une incapacité motrice des membres supérieurs et inférieurs. Elle a participé au marathon de Paris, en 2013, avec son père et son parrain.

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Anaëlle entourée des pompiers, de son papa à gauche et de son parrain à droite, juste avant le départ du marathon de paris 2013.  

"J’ai beaucoup pensé à mon expérience. Moi j’avais trouvé l’expérience du marathon hyper excitante. Ce qui m’a le plus touché dans le film, c’est la scène où le père s’effondre et que le fils prend le relais. Mon père aussi à un moment s’est dit : je ne vais pas finir. Puis on a franchi la ligne d'arrivée au bout de 4h45 ! Et papa s'est écrié : on l'a fait!"

• L'avis de Jean-Vincent Piquerez. Gestionnaire de cinq établissements d’accueil pour personnes handicapées, et père de Nicolas, 32 ans, qui souffre d’un syndrome d’"Angelman", une déficience mentale sévère.

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"De toutes nos forces nous a coupé le souffle, parce qu’on se revoit. Je me suis complètement identifié au père. Comme le père du film, mon métier m’a amené à me déplacer. Pendant plus de 10 ans, je me suis échappé en laissant la gestion du quotidien à ma femme. A cause de la peur, de la pudeur, pour les mêmes raisons profondes que lui à l’écran.  Le film montre bien comment la relation du couple est directement impactée par l’arrivée d’un enfant handicapé. Il est même proche de la rupture et puis ça bascule dans le bon sens. Dans la réalité, je vois un certain nombre de familles décomposées et ça finit plus tragiquement."

"Je ne suis pas sûr que le film puisse aller au-delà de l’environnement d’une personne concernée par le handicap. Je pense qu’on ne mesure pas le quotidien que ça représente, l’anticipation nécessaire, le regard des autres. L’avenir est aussi une question très lourde, qui préoccupe tous les jours. Qu’arrivera-t-il quand je ne serai plus là ? Je ne suis pas sûr qu’on puisse comprendre toutes ces difficultés et ces craintes quand on n’est pas soi même concerné. D’abord il faut avoir envie d’aller voir le film. C’est pour ça que je voudrais dire que ce n’est pas un film sur le handicap, mais sur la famille qui a un problème et qui traverse cette épreuve ensemble. Ce film m’a beaucoup touché alors que je ne serais peut être pas allé le voir sans invitation, à cause d’une forme de pudeur ou de crainte. C’était pour moi un miroir."

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