Cinéma : quel avenir pour la 3D ?

Selon les premiers chiffres, déjà plus de 56.000 spectateurs sont allés voir en salle cette semaine Titanic 3D.
Selon les premiers chiffres, déjà plus de 56.000 spectateurs sont allés voir en salle cette semaine Titanic 3D.
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Charles Carrasco , modifié à
Le phénomène 3D, qui a drainé son lot de films ratés, a rendu les spectateurs méfiants.

La révolution technologique de la 3D a-t-elle atteint ses limites ? Il y a deux ans, au moment où Avatar, le film de James Cameron au 2 milliards de dollars de recettes sortait au ciné, tous les spécialistes s'accordaient à dire que de profonds bouleversements allaient intervenir pour le 7e Art. "La 3D, c'est comme le passage du noir et blanc à la couleur", déclarait même James Cameron à l'époque. 

Depuis, les films en relief se sont multipliés et l'année 2012 a commencé en fanfare avec la sortie mercredi du blockbuster américain, Titanic 3D. Déjà plus de 56.000 spectateurs sont allés le voir cette semaine. Un excellent score pour cette superproduction qui demeure numéro un du box-office français avec 20,7 millions d'entrées en 1997. Mais si les productions en 3D abondent, l'effet de nouveauté d'Avatar est en train de s'estomper auprès d'une partie du public.

La bande-annonce de Titanic 3D :

Un marché en croissance

Tintin et le secret de la Licorne de Steven Spielberg, Hugo Cabret de Martin Scorsese... Beaucoup de grands réalisateurs américains se sont pris au jeu de la 3D. Depuis deux ans, la production de films en 3D connaît une croissance ininterrompue : de 16 en 2009, le nombre de films en relief est passé à 24 en 2010 et 43 en 2011.

Si le nombre de productions en 3D, à grande majorité américaines, continuent de grimper, c'est en raison d'un principe marketing que tente d'imposer le cinéma d'outre-Atlantique. "Hollywood essaye de créer des marques, des franchises", explique Laurent Creton, directeur de l'Institut de recherche sur le cinéma et l'audiovisuel (Ircav) joint par Europe 1.fr. Cette logique du 'ressuscité' fonctionne grâce à des fans, à Internet et des médias de masse". Ainsi des films comme Pirates des Caraïbes,Star Wars, Toy Story, Shrek montrent que le principe de la série fonctionne auprès du public.

Cette augmentation du nombre de productions a mécaniquement fait grimper le nombre d'entrées. 53 millions de personnes sont allés voir des films en 3D en France en 2011, contre près de 33 millions en 2010, soit une augmentation de plus de 17%. 

Les cinémas ralentissent

Face à cette nouvelle offre, les salles de cinéma ont dû s'adapter. Côté équipement, la France compte aujourd'hui plus 3.500 salles numérisées, dont 2.368 écrans équipés pour la 3D. Cette proportion s'est toutefois réduite ces dernières années. Selon des chiffres de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), la 3D représenterait en 2011, 65% du parc numérique contre 75% il y a un an.

Désormais, la sélection des films sera plus drastique. Le groupe CGR Cinémas décidé de faire le tri face à l'abondance des productions. "Notre équipe de programmation visionne les films qui vont sortir en 3D, et nous ne retenons que ceux qui sont prometteurs. Ceux-ci ne sont d'ailleurs diffusés qu'en 3D, même quand ils existent en 2D. Nous gardons ainsi des écrans disponibles pour d'autres film", expliquait Jocelyn Bouyssy, directeur général des circuits CGR dans une interview au Figaro.

Les cinémas seraient-ils devenus plus réticents à projeter des films en 3D ? "Le principal argument, c'est la qualité. Le danger c'est de laisser passer les mauvaises productions", observe Laurent Creton, chercheur spécialiste du cinéma. Les films, jugés exceptionnels, eux, continueront d'être diffusés "mais on observe un phénomène d'essoufflement après Avatar", ajoute-t-il. "Des films comme Le Choc des Titans ont fait du mal à la 3D. Certains producteurs sont allés trop loin et ont saboté le bateau", renchérit Stéphane Cassou, directeur associé de Cow Prod, interrogé par Europe 1.fr. Si certains films ont été entièrement pensés, écrits et tournées pour la 3D (comme Avatar), d'autres productions plus "gadgets" ont beaucoup déçu.

Pour autant, ce "tassement" est logique. Le film serait en train de reprendre le dessus sur la technologie. "La 3D est devenue un élément complémentaire du film, telle que la version originale ou la version française", détaille à Europe1.fr Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français. Mais selon lui, après la période d'euphorie, la 3D se trouve encore au "stade de maturation" et ne devrait pas décroître.

Des spectateurs dubitatifs

Désormais la qualité devra être au rendez-vous pour convaincre des spectateurs échaudés par le lot de films 3D ratés. Selon un sondage réalisé en ligne par le magazine professionnel Le Film Français, Allociné et UP3D, auprès d'un échantillon de 11.687 personnes âgées  de 15 à 64 ans, 80% des spectateurs affirment préférer voir les films 3D en 2D. Parmi les griefs reprochés : le prix (35%), l'inconfort des lunettes (25%), des images trop sombres (15%), des migraines (15%) ou le simple rejet de la 3D (10%). Pire : l'étude montre que les spectateurs regrettent de s'être vus imposer ce format et de n'avoir pu qu'à 27% choisir de voir le film en 2D.

D'autant que ce surcoût lié à la consommation d'un film 3D, couplé à une baisse tendancielle du pouvoir d'achat, n'est pas négligeable sur le prix d'une entrée de cinéma. En France, le supplément pour voir Titanic est de 2 euros en moyenne pour ceux qui possèdent les lunettes adaptées et de 3 euros pour ceux qui souhaiteraient en louer.

Outre-Atlantique, on s'interroge aussi

Le bouleversement technologique agite également le débat aux Etats-Unis où un ralentissement des entrées s'observe. Dans son édition du 12 août dernier, le Wall Street Journalaffirmait que si 70% des recettes d'Alice au pays des merveilles provenaient des projections 3D en 2010, 57% des spectateurs se sont contentés de la projection 2D du dernier Harry Potter. Autre exemple : les spectateurs n'étaient que 45% à choisir la 3D pour The Green lantern et Kung Fu Panda, et 47% pour le dernier Pirate des Caraïbes. En comparaison, Avatar, malgré le peu d'écrans 3D de l'époque, avait réalisé 75% de ses recettes grâce aux projections 3D.

Et ce désamour des spectateurs pour les films 3D semble tenace. Selon le cabinet de recherche américain BTIG Research, la 3D serait sur une pente déclinante. Si le relief aurait effectivement beaucoup boosté les entrées de films aux budgets pharaoniques, ceux avec des budgets moindres ou de moins bonne qualité seraient aujourd'hui désertés.