Les voitures chinoises sur nos routes, c'est pour bientôt ?

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AUTOMOBILE - Héritier du groupe PSA, Robert Peugeot a assuré mercredi que ce n’était qu’une question de temps. Vraiment ?

La déclaration. Le président chinois est en visite officielle en France, pour notamment entériner l’accord entre PSA, le constructeur Dongfeng et les Etats français et chinois. Interrogé mercredi sur Europe 1 à ce propos, Robert Peugeot, membre du conseil de surveillance de PSA Peugeot Citröen, a assuré que la marque du constructeur Dongfeng, Fengshen, pourrait un jour débarquer sur le Vieux continent. "Ça pourrait un jour, mais pas tout de suite", a-t-il assuré. Visionnaire ou pure formule de politesse vis-à-vis de ses nouveaux associés ?

Pour y voir plus clair, Europe1.fr a posé la question à deux spécialistes : Bernard Jullien, directeur du groupement de recherche permanent sur l'industrie et les salariés de l'automobile (Gerpisa), rattaché à l’ENS Cachan, et Jean-François Dufour, directeur du cabinet de conseil en stratégie DCA Chine Analyse. Erigé en champion national de l'industrie automobile chinoise, le constructeur Dongfeng a, sur le papier, les moyens de débarquer en Europe s’il en fait une priorité. Sauf que cela a très peu de chance d’arriver à court et moyen terme, et ce pour les raisons suivantes.

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Parce que Dongfeng pèse lourd, mais pas sa marque. Certes, avec 3,5 millions de véhicules vendus en 2013, le constructeur chinois a tout d’un poids lourd. "Mais l’essentiel de cette production, ce sont des voitures de marques étrangères. Il ne fabrique qu’un tiers sous sa propre marque, Fengshen, dont la majorité sous forme de véhicules utilitaires. Au final, il ne produit sous son nom que 250.000 véhicules particuliers par an, ce qui reste marginal", souligne Jean-François Dufour. Malgré son envergure industrielle, Dongfeng possède donc une marque qui est loin de s’être imposée dans l’empire du Milieu, où 70% des voitures achetées sont de marques étrangères. De là à arriver en Europe, il y a du chemin.

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Parce que l’Europe est un marché trop compliqué. "L’Europe est un marché saturé sur lequel les autres Asiatiques se sont cassés les dents. Les parts de marché des plus gros constructeurs asiatiques, c’est 3 points. L’Europe, ce ne sont pas les Etats-Unis : ils ont toutes les peines du monde à s’en sortir économiquement. Ce n’est pas la terre promise", prévient Bernard Jullien. Avant d’ajouter : "Je ne pense pas que dans l’industrie européenne, on redoute que les constructeurs chinois puissent tailler des croupières. Même au plus faible d’entre eux, Fiat".

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Parce que les constructeurs chinois ne sont pas prêts. L’Europe est un marché tellement compliqué que cela se prépare en amont, très en amont. Honda, Nissan, etc. : les Japonais ont ainsi mis près de quarante ans à s’installer sur le Vieux continent, tandis que les Coréens comme Hyundai et Kia ont eu besoin d’une vingtaine d’années. Quant aux Chinois, "la première tentative de débarquement en Europe en 2005 fut catastrophique. La voiture produite par Geely a obtenu zéro aux crash tests. La première bévue, la Chine l’a faite en voulant aller très vite, trop vite. Cela a encore un impact. Ils ont tiré une première leçon de cet épisode, qui est de ne pas se précipiter pour arriver avec des modèles techniquement aboutis", rappelle Jean-François Dufour. Dongfeng devra donc d’abord assimiler les transferts de technologie permis par son alliance avec PSA.

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Et surtout parce que sa priorité est ailleurs. Pour voir une voiture chinoise au coin de la rue, il  vous faudra voyager, et pour cause : "le marché chinois, en pleine expansion, reste prioritaire", estime Jean-François Durfour. Au-delà de ses frontières, plus qu’à l’Europe, c’est au reste du monde que les Chinois comptent vendre leurs véhicules. Ce que résume bien Bernard Jullien : "si vous essayer d’entrer sur le marché européen, vous allez perdre de l’argent pendant 15 ans sans résultat garanti. La croissance est ailleurs, et les exigences y sont moindres. Egypte, Brésil, Russie, Inde, Malaisie : c’est cela l’objectif".

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