Les zones d’ombres de l’affaire Merah

© FRANCE 2
  • Copié
, modifié à
Après la mort de Mohamed Merah, plusieurs facettes de son parcours restent inexpliquées.

Mohamed Merah s’est violemment invité dans l’actualité en commettant une série d'assassinats dans la région toulousaine, tuant sept personnes dont trois enfants. Celui qui a rapidement été surnommé le "tueur en scooter " est mort jeudi à 23 ans sous les balles du Raid au terme d’un siège qui aura duré  32 heures.

Au fil des témoignages et des découvertes policières, on découvre le parcours d’un jeune paumé qui a viré dans le radicalisme religieux. Malgré cette biographie qui s’affine, plusieurs questions restent néanmoins en suspens.

Un homme changé par la prison

Ayant  quitté le système scolaire à l’âge de 16 ans, Mohamed Merah a lentement glissé vers la petite délinquance mais est alors décrit comme un ado comme beaucoup d’autres, plus intéressé par les voitures et les filles que par les questions religieuses.

C’est apparemment lors de son séjour en prison entre 2007 et 2009, suite à un vol à l'arraché d'un sac à main, qu’il s’intéresse réellement à l’islam dans sa version la plus radicale. On ignore néanmoins quel a été le déclic qui l’a convaincu de se plonger dans la religion.

Autre zone d’ombre : Mohamed Merah a-t-il fait en prison des rencontres déterminantes qui l’ont accompagné dans son revirement religieux ? Son entourage familiale a-t-il joué un rôle ? Les enquêteurs cherchent encore. Seule certitude, quand il est libéré en septembre 2009, ce n’est plus le même homme que ses connaissances et voisins décrivent : les propos religieux et une fascination pour la violence et les armes ont remplacé sa passion des voitures.

Un étrange séjour au Pakistan et en Afghanistan

Après avoir tenté d’intégrer la Légion étrangère au cours de l’été 2010, Mohamed Merah renonce et part en Afghanistan par ses propres moyens, là où la plupart des djihadistes s’y rendent par le biais de filières. Son séjour sera interrompu lorsque, arrêté lors d’un contrôle routier par la police afghane, il est livré aux troupes américaine et renvoyé en France.

Cette mésaventure ne l’empêche pas de repartir pour la frontière pakistano-afghane à l’été 2011, un séjour à nouveau écourté, cette fois-ci par une hépatite A. Malgré ces courts séjours, Mohamed Merah affirme avoir été formé par Al-Qaïda. On ignore néanmoins toujours quels ont été ses contacts et comment il a pu se rendre à plusieurs reprises dans l’une des zones les plus dangereuses du globe.

Aurait-il pu être arrêté plus tôt ?

Revenu de ses séjours en Asie centrale, Mohamed Merah se montre plus solitaire et discret. Six mois plus tard, il entame son macabre périple le 11 mars en abattant à bout portant un soldat qui pensait lui vendre sa moto. ‘Tu tues mes frères, je te tue’, lâche-t-il pour seule explication.

Quatre jours après, il assassine deux soldats et en blesse grièvement un troisième à Montauban avant de prendre la fuite en scooter. Le 19 mars, il repasse à l’action en commettant un carnage dans une école juive de Toulouse.

Identifié neuf jours plus tard par les enquêteurs, on peut néanmoins se demander s’il n’aurait pas pû être arrêté plus tôt, et pour cause : expulsé d’Afghanistan, il avait été repéré et interrogé à plusieurs reprises par les services de renseignement. Pour ces derniers, il n'était néanmoins qu'un cas isolé, déconnecté de tout réseau. De plus, pour retrouver sa trace, les enquêteurs ont du éplucher les adresses IP de 576 Internautes ayant répondu à l'annonce du motard militaire. "Je comprends qu'on puisse se poser la question de savoir s'il y a eu une faille ou pas", a déclaré jeudi le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, appelant à "faire la clarté là-dessus".

Sa volte-face au cours des négociations

Une fois retranché dans son appartement encerclé par les policiers le mercredi 21 à 3 heures du matin, Mohamed Merah n’hésite pas à ouvrir le feu avant d’entamer de longue négociations. Rapidement, il confie ne pas vouloir mourir en martyr et promet de se rendre une fois la nuit tombée.

Mais lorsque les négociateurs reprennent contact, il assure alors vouloir "mourir les armes à la main". Et c’est effectivement au terme de 5 minutes de fusillade qu’il meurt en sautant de la fenêtre, touché d’une balle en pleine tête. Les négociateurs ne s’expliquent toujours pas les raisons de cette volte-face.

Le tueur en scooter a-t-il agi seul ?

Mohamed Merah a été rapidement décrit par les spécialistes comme un "loup solitaire", un profil qui étonne car la plupart des terroristes se réclamant du Djihad ont été lié à un réseau ou une organisation.

Plusieurs personnes font néanmoins l’objet de toutes les attentions des enquêteurs. Son frère, qui avait contacté la première victime par Internet, a-t-il joué un rôle dans les tueries ? Placé en garde-à-vue, il est toujours entendu par les enquêteurs. La personne à qui il avait remis la caméra qui a filmé tous ses meurtres est-elle impliquée ? La police tente également de savoir par quel biais il a pu se procurer des armes de guerre.